Les Sources Merveilleuses des “Bénédictins” à CLEMENSAT et “Gallo-Romaine” de SAINT-GERON en Basse Limagne de BRIOUDE (Haute-Loire)
H² O : Majesté
Mystère Tellurique
Millésime Naturel
Thérapeutique Millénaire
Remède Universel
L’eau Intrique
Devient Sacrée
En pleine affaire Dreyfus à l’ère des “intellectuelles” de Zola, à l’apogée du Second Empire, à Paris, triomphent les “Opéra-Bouffe”, spectacles d’entrain et de bonne humeur, et particulièrement la célèbre distribution tour à tour lyrique, haute en couleur et satirique : “la Grande Duchesse de Gerolstein” au suspens insoutenable. Toujours sur un air d’opérette, “La Rose de Saint-Flour” est un acte comique et de fantaisie comme on le sait, plein de “charabia” qui plaisait fort bien aux Parisiens, de nombreux auvergnats. A chaque séance, ils avaient aussi l’avantage d’applaudir le célèbre violoncelliste, compositeur d’opérettes, le novateur du rire en musique Jacques Offenbach, que caricaturait grimé de férocité, son instrument à cordes en main, La Lune, dans son numéro du 4 novembre 1886. Les bureaux de cet hebdomadaire cocasse illustré se trouvaient cité Bergère : tout un symbole. A cette époque la France, par ailleurs, se présentait comme un pays prospère par sa Révolution Industrielle, orgueilleuse encore de ses majestueuses Expositions Universelles Nationales qui se succédaient. On est toutefois pendant ce temps absolument dans la “Guerre des Sources” avec le Thermalisme... redécouvert... Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 1830 et 1870, ce sont 333 sources anciennes qui sont aménagées, 234 sources nouvelles découvertes et captées. A l’Exposition Universelle de 1878, il était encore présenté des échantillons de 225 sources minérales avec leurs analyses, sous le patronage de la Société Centrale d’Agriculture du Puy-de-Dôme.
La concurrence est alors chaude, aux épisodes très vifs : forage et contre-forage dans le voisinage d’un rival pour en détourner l’eau minérale à son profit, cela en dépit d’une loi de 1848 qui instituait un périmètre de protection de 1 000 mètres de rayon pour éviter les explorations concurrentes. Dans leur transformation de “sources naturelles” en “sources artificielles”, des émergences finissaient par connaître un tarissement total. L’adversaire répliquait généralement en opérant de la même façon et des litiges étaient alors nombreux ; des procès longs et dispendieux eurent aussi lieu, en 1810, à la demande du Conseil Général, l’administration décide que le possesseur des eaux du Mont-Dore soit exproprié pour cause d’utilité publique.
Le célèbre écrivain Guy de Maupassant, suite à ses cures de 1883, 1884 et 1886 à Châtel-Guyon, sachant toujours se tenir aux frontières du réalisme et de la poésie, nous fait part de cette “lutte” dans son roman : Mont-Oriol, localité n’existant que dans son imagination mais dont les faits sont bien réels.
Le service des mines finira par y mettre un terme avec un décret, s’appliquant aux sources minérales, en prenant des dispositions d’intérêt public, notamment le 20 juillet 1909, sur instruction de Georges Clémenceau, alors ministre de l’intérieur : ainsi pour tout travail de forage et de captage en vue de l’exploitation d’une eau minérale, le propriétaire est tenu d’avertir l’administration. Dès le second Empire, l’intervention d’un Ingénieur des Mines en matière de Thermalisme fut systématisée par un décret impérial du 8 septembre 1856. Pierre Armand Dufrenoy, l’un des enseignants de la minéralogie qui se soucia d’adapter l’école des Mines aux réalités industrielles, se verra charger d’établir la situation des sources minérales de Vichy. En particulier, il devra déterminer l’influence que pouvaient avoir sur le régime des eaux les sondages exécutés à proximité.
Les sources de Vichy sont la propriété de l’état depuis un décret de 1790, stipulant que ses émergences appartenant à la République devaient être désormais affermées. En 1898, La Compagnie Fermière à Vichy obtenait du gouvernement le renouvellement de son bail. Nous ne rappellerons pas ici toutes les polémiques qui s’élevèrent autour du nouvel accord, autant par des particuliers que par l’autorité d’état, la presse d’alors s’en est fait amplement l’écho. Finalement, les marchés importants ont de tout temps attiré les appétits. La Compagnie Fermière expédiait déjà, dans toutes les parties de la planète, 60 000 bouteilles par jour. Ses ateliers d’embouteillage employaient près de 1 200 ouvriers. La source des Célestins assurait en 1896 quelques 13 millions de bouteilles par an.
Malgré ce qui vient d’être dit, de nombreuses sources seront régies soit par des communes, soit par des petits propriétaires, ou soit, pour les plus potentielles à leur commercialisation, par des sociétés anonymes au capital social régi par actions : les sources de Royat et de Châtel-Guyon par exemple. En 1907, la Société des Eaux de Châtel-Guyon émettait 3 400 actions nouvelles de 50 francs.
Au cours de la “fièvre thermale” sous la IIIe République, l’investissement capitaliste prend à son compte les stations thermales, au même titre que les mines, le chemin de fer, ou “les fameuses” souscriptions aux emprunts russes à 3% francs Or. Pour toutes ces opérations bancaires dans la région auvergnate, les investisseurs pouvaient s’adresser au 3, de la rue Blatin à Clermont-Ferrand. Les opérations financières étaient bien dans l’ère du temps de la “Révolution Industrielle”. On pouvait aussi souscrire pour les Messageries Maritimes, les Comptoirs des produits d’Outre-Mer, le canal de Panama et celui de Suez. Rien qu’un journal local : “Le Petit Issoirien“ du 23 juillet 1887 donnait un large extrait du rapport de son président-directeur, Ferdinand de Lesseps. Malgré son ouverture en 1869, il était encore possible de souscrire, le canal faisant l’objet de constants travaux d’approfondissement.
“L’usage des eaux minérales est passé dans nos mœurs. La vie des eaux n’est plus seulement un luxe à la mode réservé aux grandes fortunes, aux gens de loisir ; elle est devenue, de même que la vie à la campagne, un véritable besoin de santé, une nécessité hygiénique.”
“C’est un fait désormais acquis à la science et à l’hygiène publique, les eaux minérales ne sont point exclusivement une occasion, un prétexte de plaisir offert aux amateurs de mouvements, aux dilettantes, aux ennuyés de la vie élégante ; elles ont une action curative incontestable, des vertus telles que les médecins se voient souvent dans la nécessité de les ordonner même aux plus indigents”.
“Cet avenir promis à notre province peut être réalisé par une Compagnie appuyée sur un capital considérable et solidement établi, qui permette à la société de multiplier ses créations au fur et à mesure de l’accroissement et de la variété des besoins nouveaux qu’elle fera naître”.
Ainsi commence le texte très suggestif... d’une brochure publicitaire de la Compagnie Hydro-Minérale d’Auvergne, s’adressant aux investisseurs de la France des “années folles”, une période d’illusions évidente pour certaines compagnies en voie d’organisation en 1849, siégeant au n°7 de la rue Antoine d’Auvergne (un vaste programme) à Clermont-Ferrand. Les candidats à l’actionnariat pour les sources qu’envisageait d’acquérir la société, pouvaient souscrire en l’étude de Me Mollie, notaire à Clermont, dépositaire des statuts de la compagnie, ou bien chez les banquiers et agents de change du département.
Sans contredit, nos “ancêtres les gaulois” se seraient bien garder de toucher aux sources, donnant une expression de force de la nature propre à frapper les esprits par leurs gaz bouillonnants, par les vapeurs flottant dans l’air ; voilà de quoi vraiment satisfaire une création divine. D’ailleurs, les caractères physico-chimiques des eaux minérales nous ont en tout temps interrogés, leurs particularités gazeuses justifiant déjà à elles seules la psychologie mystique des civilisations antiques, lesquelles ont principalement privilégié et honoré ces sources “gazouillantes” dans leurs usages et leurs vertus. Le griffon se trouve être, comme nous le savons, la zone d’émergence des sources, mais c’était aussi d’après la légende le nom d’un animal fabuleux au cœur de lion, aux ailes et à la tête d’aigle, qui avait pour mission de surveiller les trésors inestimables que constituait chaque source.
Nombreuses sont les émergences minérales qui ont livré des offrandes : monnaies, statues, ex-voto, en remerciement ou pour s’assurer une réponse favorable. Des travaux d’urbanisme à la source des Roches à Chamalières ont fait découvrir la plus importante collection de sculptures en bois Gallo-Romaines, (1 500 sculptures et 8 500 fragments divers) dont quelques têtes, mais surtout de nombreux bras et jambes de toutes tailles et de toutes formes. Tous ces ex-voto ne sont jamais plus que des supports aux forces thérapeutiques des eaux, le pèlerin donnant alors son mal. Leur production est présentée avec art et fort bien mise en valeur dans les vitrines du musée Bargoin de Clermont-Ferrand.
Le culte de l’eau chez les anciens, témoigne parfaitement d’une mentalité spiritualiste dans les espérances d’un rétablissement salutaire de leur propre être vivant. Au Mont-Dore, les découvertes de monnaies Romaines étaient si nombreuses au siècle dernier que les habitants, dit-on, en remplissaient leur chapeau ! L’Empereur Auguste, lui-même, aurait profité des bienfaits des cures thermales de la Gaule. Le fondateur de la “Paix Romaine” fut-il de même façon, l’adorateur de Borvo, le Dieu guérisseur des eaux effervescentes Gauloises ?
Au moment de l’enthousiasme pour les “bains” de la fin du XIXe siècle, où se mettent alors en place des installations de mécanothérapie, de splendides hôtels se construisent pour la clientèle riche et bourgeoise, avec jusqu’à 200 chambres, des salles à manger de 300 couverts, des parcs avec golfs, des casinos aux décors somptueux. Une femme de lettre célèbre se distingue par ses habits masculins : George Sand, laquelle se rend notamment aux eaux de Châtel-Guyon. Au même instant dans le Brivadois, des travaux de terrassements s’exécutent sur les sources de Clémensat et de Saint-Géron, jusque-là de primitives fontaines minérales.
La source de Clémensat se découvre en rive droite de l’Allier, au point bas du versant Ouest des Monts du Forez à 473 mètres d’altitude. Celle de Saint-Géron émerge en rive gauche de l’Allier, au point bas du versant Est des Monts du Cézallier à 470 mètres d’altitude. Deux reliefs de versant cloisonnent singulièrement entre failles le petit fossé sédimentaire lacustre d’argile rouge Oligocène et de formation houillère Carbonifère, du bassin de Brioude. C’est à partir de la dépression Brioude-Brassac que se prépare, plus au nord, la grande plaine de la Limagne clermontoise, également de direction structurale sensiblement orientée N/S, correspondant à des décrochements de l’ère tertiaire, des contrecoups des plissements alpins.
Les reliefs structuraux de la Limagne de Brioude comprennent, pour le premier versant, pratiquement que des roches cristallophylliennes (Gneiss et Schistes) et pour le second, une analogue disposition de roches métamorphiques, néanmoins partiellement recouvertes de formations volcaniques (Basaltes) se reconnaissant dans une configuration paysagère dite : des plateaux. Les points culminants de ces deux environnements montagneux, aux modelés de vallées transversales, s’élèvent de 1 000 à 1 200 mètres d’altitude.
Le versant Est de la dépression limagnaise de Brioude est d’un couvert végétal où s’étagent par paliers des prairies d’herbage, des massifs boisés de pins et de sapins. Le versant Ouest comprend d’abord des cultures céréalières, puis des forêts de feuillus principalement de petits chênes et quelques pins, ensuite des prairies d’herbage, préférablement placées sur des sommets aux reliefs volcaniques tabulaires, là où commencent les longues Planèzes basaltiques cantaliennes.
Nous nous plaisons à dire : “La Renaissance... du Thermalisme ”. En effet, depuis le Moyen-Age, les sources auvergnates sont à peu près dans un état d’abandon. Cette magnificence commença d’abord par les décadences de l’Empire romain, pour continuer aux invasions Barbares, lesquelles recherchaient le luxe et les richesses des cités balnéaires. Les ruines de Néris-les-Bains seraient un acte de férocité d’un peuple non civilisé.
Les périodes de terreur passées, le thermalisme devint en tout état de cause une “affaire seigneuriale” où les “hauts rangs” sont propriétaires de bains. Mais en même temps, les thermes sont l’apanage des moines et des établissements religieux : les maladreries sont très répandues à l’époque des croisades, Lamothe, près de Brioude, avait singulièrement son hôpital thermal du genre... appelé : Chapelle Dieu, installation très célèbre autrefois dans le Brivadois, et même au-delà. Son eau mélangée à du lait avait, selon une bulle du Pape Clément VI, la particularité de soigner la dysenterie des ecclésiastiques qui s’adonnaient trop à Bacchus. Déjà Pline évoquait d’excellentes eaux, capables de lutter contre l’ivrognerie. A la révolution, cet établissement ne servait plus que de bergerie ; il fut déclaré carrière publique et démonté pierre par pierre et le lieu fut débaptisé. L’oratoire de la source de Célerin de Roucamps en Normandie fut aussi remplacé à la révolution par une bergerie, malgré la statue qui continuait à sacraliser les lieux.
Le retour aux sources commence réellement aux prémices du siècle des “Lumières” au mérite de Louis XV, pour avoir sollicité en 1772, à la commission Royale de Médecine, un inventaire de l’état des bains du Royaume. Suite à cette décision, une lettre est adressée le 30 septembre 1772 depuis Versailles, par Louis César de La Baume Le Blanc, Duc de Lavallière, à de Chazerat, intendant de la province d’Auvergne. Dans les faits, ce n’est qu’à l’époque de la réorganisation sociale de la Révolution que le thermalisme commence vraiment à s’imposer. Le Comte Jean Antoine Claude Chaptal, professeur à la chaire de chimie de l’Ecole Polytechnique, en tant que ministre de l’intérieur chargé du remaniement de l’administration, fait alors parvenir aux nouveaux préfets, le 29 Prairial An II de la République, une circulaire pour établir l’inventaire des sources minérales, propres à créer de nouvelles branches de revenus ou à améliorer les ressources existantes ; il fit partie de la première promotion de la légion d’Honneur créée, rappelons-le pour la précision historique…, en 1802 par Bonaparte, premier consul, qui récompensait tous les services Militaires et Civils rendus à la République (loi du 22 Floréal An X, 19 mai 1802). Au cours de l’An III, c’est le citoyen ingénieur Lomé qui fut mandaté par le Comité de Salut Public pour faire appliquer les nouvelles polices à observer dans l’exploitation des sources minérales. La plupart des propriétaires et fermiers exploitaient alors les sources sans contrôle, les communs... se plaignant de cette désorganisation.
Le thermalisme, dans le sens moderne du terme, se développe véritablement sous le consulat. Dès 1804, on envoie de nombreux militaires blessés “prendre les eaux,” se soigner par les sources d’eaux minérales ; elles deviennent d’ailleurs une thérapie très à la mode. On s’emploie à analyser les eaux ; ainsi chaque station a sa spécialité : Châtel-Guyon devient “la capitale du ventre”, organe que l’on ne peut pas mieux qualifier de “laboratoire”, car il est le lieu des transformations... Dès 1605, Jean Banc vantait les bienfaits de cette station. Saint-Nectaire devient la métropole du rein, Royat celle où l’on soigne les artères. Même si la particularité de la note n’est pas de rappeler toutes les stations et leurs actions médicales spécifiques, citons toutefois la “célèbre” Crénothérapie Vichyssoise pour ses indications thérapeutiques principales : les migraines, les digestions difficiles, les spasmes du gros intestin, les troubles nerveux dits neurovégétatifs, on comprend ainsi mieux l’engouement porté aux eaux minérales et à leurs bienfaits.
Au cours de leur “Histoire”, il n’est point de station qui ne reçut de hauts dignitaires, mondanités, célébrités, et personnages de lettres et beaux esprits. En 1676, la spirituelle marquise de Sévigné se rend à Vichy jalousant, comme l’on sait, la marquise de Montespan, maîtresse du Roi “belle comme le jour” en cure à la station voisine de Bourbon.
L’Auvergne Thermale et Pittoresque, à la fois dirons-nous: bottin et potinier”, annonce à chacun de ses numéros les notables fréquentant les stations. Dans sa parution du dimanche 24 juin 1883, l’hebdomadaire révèle le séjour à l’hôtel Chabassière de Royat du Comte Lady Stopfort de Londres et de Mme Chassibi de Constantinople. On lit encore, dans les mêmes colonnes, que M. et Mme Trick de New-York se rendent au grand hôtel ainsi que la princesse Bagration de Russie. L’aristocratie de la Russie Impériale, n’hésitait pas à se déplacer pour apprécier la médecine des eaux. Parmi la fréquentation étrangère des stations auvergnates, les Anglais sont les plus nombreux, certains hôtels arboraient même la renommée formule : “English Sopken” afin d’attirer l’attention de la clientèle Anglo-Saxonne. L’hebdomadaire thermal informe également ses lecteurs que dans les parcs de Royat, Sa Majesté Léopold II, Roi des Belges, fut aperçu, cela laisse à imaginer que l’on épiait le passage des “princes” et des “souveraines” régnants. Les listes des hôtes célèbres sont longues : notons également Mme Tuja d’Olivier de Langeac en cure à Châtel-Guyon, Mme et M le docteur Devins de Brioude accompagnés de leurs enfants à la station de Saint-Nectaire.
Toutes les stations thermales se complaisaient de cette façon à divulguer leurs villégiatures de marque, une “guéguerre” de la station la mieux en vue. Autrement L’Auvergne Thermale et Pittoresque s’efforçait d’offrir un agenda pratique aux curistes, liste des médecins thermaux, annonces commerciales des hôtels, le programme des spectacles, les horaires des trains desservant les stations, (à ce sujet il était rappelé que les billets aller et retour étaient valables 33 jours ce qui correspondait naturellement à la période de la cure). Rien n’était en fait négligé pour faciliter le séjour des curistes : suggestions de promenades et d’excursions, des stations “proclamaient” même leurs vastes espaces ombragés et accueillants En période de cure, un grand journal comme, Le Figaro, apportait en outre à ses lecteurs des informations sur le déroulement des saisons des stations balnéaires.
D’autres régions de France, à savoir les pays Vosgiens, avaient leurs organes de presse spécialisés pour promouvoir leurs villes d’eaux. Dans ses encarts publicitaires, L’Auvergne thermale et Pittoresque se faisait l’écho à plusieurs reprises de l’établissement d’hydrothérapie de Brioude, utilisant les eaux d’une source naturelle, spécialement pour des soins d’ordre psychique, par application d’eau froide. Brioude avait alors la physionomie d’une ville d’eau, avec l’aménagement d’un parc de loisirs de 400 m², à l’emplacement de l’actuelle place de Paris. Des cartes postales anciennes nous montrent en effet un jardin exotique et l’agencement intérieur, d’un splendide décor, de style mi- colonial, mi-belle-époque. Cette installation thermale fermera ses portes en 1925 car non seulement la concurrence était impitoyable en elle-même mais il fallait aussi compter sur la sélection naturelle.
L’année 1883, que nous avons précédemment évoquée, était également celle de l’inauguration du Casino de Châtel-Guyon où Mlle Louise Gentil chantait la “Cavatine” du Barbier de Séville, où Mlle Marie Pinson, avec beaucoup de verve, contribuait à faire passer une bonne soirée au public de curistes, pour tromper l’ennui de la cure, se soigner sans s’ennuyer. Les rues et les cafés des stations étaient animées de musiciens ambulants, dans les parcs près des sources, les kiosques à musique abritaient de grands orchestres, jouant des partitions classiques, lyriques. Les Casinos offraient pour leur part des spectacles, bals, la possibilité de jouer au “jeu d’enfer” du tapis vert, ou bien de “jouer aux bandits manchots” avec les tapageuses machines à sous. Les stations thermales étaient à la fois des lieux de soins et de loisirs, cette tradition remontant à l’époque romaine où la convivialité s’exprimait dès le début par de grands pique-niques près des sources. Peut-on parler d’un phénomène culturel ? folklorique ? Il serait peut-être préférable de dire que les malades regagnaient le monde des bien-portants l’espace d’un instant.
Mais nombreux étaient (et le sont toujours) les curistes téméraires pour de longues, saines et harmonieuses promenades les rapprochant de la nature :des balades botaniques aux paysages volcaniques, l’Auvergne s’y prêtant fort bien, avec ses chemins tracés à travers des collines boisées de fondations odorantes, fleurs des champs, bouquets de sapins et de hêtres, puis ici et là, de curiosités géologiques.
En plus des aménagements d’urbanismes luxueux, se construisaient de larges avenues, des magasins et boutiques de souvenir en rapport avec la station ou le thermalisme, incontournable modèle thermal, copié sur l’Angleterre pour le plus grand plaisir de la noblesse britannique. Parmi les représentations théâtrales, nombreuses étaient les Comédies et Vaudevilles : le casino de Royat jouait “La Gande Duchesse de Gerolstein” en juillet 1902, un opéra bouffe qui eut, comme l’on sait, un vif et très long succès, une satire politique et militaire interprétée au moment où s’opposaient dans des luttes sans merci “dreyfusards” et “antidreyfrusards”, une période douloureuse d’une douzaine d’années pour le capitaine Dreyfus, innocenté. Les “salles obscures” se prévalaient également dans l’ère du temps, avec pour première projection : “Charlot fait une Cure” où le burlesque Charlie Chaplin est une fois encore à son comble, cela dans le cadre classique de la belle époque, d’un établissement thermal qui constituait le lieu central du film. Le cinéma émaillait alors les premières années libertines avec plus particulièrement le premier baiser (1896) et le premier nu à l’écran (1916).
Après avoir débattu du contexte historique et sociologique du thermalisme quelque peu “psychologisé”, revenons aux sources de Clémensat et de Saint-Géron. Ces deux émergences sont jusqu’en 1884, année pour mémoire... de la grande grève des mineurs d’Anzin, de simples jaillissements naturels, devant renaître sous l’esprit aventureux et dynamique de la famille Casati*, laquelle venait de céder une année plus tôt, le 25 février 1883, sa mine et sa verrerie de Mégecoste à la Société Fermière de l’Etablissement Thermal de Vichy, vendues 1 100 000 francs, la production totale annuelle étant de l’ordre de 1 866 200 bouteilles pour 347 fontes. Les repreneurs de Mme Michel Casati, décédée en 1881, cesseront la production du verre à vitre pour conserver la fabrication des bouteilles. On était loin du temps des petits ateliers des “Gentilshommes Verriers” ayant le privilège de porter une épée d’acier. La première industrie verrière à Brassac remonte à 1736, d’abord installée au château de l’ancienne cité minière, avec le titre de Manufacture Royale. Le château de Brassac est une bâtisse fort bien mise en valeur, un “pan” du patrimoine local indemne...
La situation de Brassac convenait très bien pour une industrie verrière. Sur place, on avait le charbon, le sable de l’Allier, rivière offrant de novembre à mai, une voie de chalands pour écouler dans les provinces voisines, et jusqu’à Paris, les produits des verreries, du temps où le chemin de fer était inexistant. L’usage de l’eau minérale en bouteilles ou en “cols”, pour reprendre le langage des minéraliers de l’époque, commença pratiquement sous le règne de Louis XIV.
La verrerie de Mégecoste mérite encore quelques lignes puisqu’elle s’inscrit complètement dans le concept socio-économique de la Révolution Industrielle. Après son installation en 1836, par Michel Casati**, négociant à Lyon, elle fut une grande verrerie moderne, avec ses trois fours pour bouteilles en verre noir ; on y fabriquait également des verres à vitres de grandes dimensions. En 1858, Michel Casati et ses consorts demanderont l’autorisation à la préfecture de la Haute-Loire d’équiper la verrerie d’une machine à vapeur ; elle fonctionnera ainsi près d’un siècle, avec un important personnel de 200 ouvriers en 1865, année de la disparition de son fondateur. Au moment de sa fermeture survenue en 1931, sous la direction de la Société Fermière des Eaux de Vichy, la verrerie comptait 400 ouvriers, produisant par jour 50 000 bouteilles, elle possédait son propre puits de charbon qu’elle vendit à la Société des Houillères de la Haute-Loire.
Ce n’est pas sans regrets ni sans émotion que la population vit disparaître cette très vieille industrie liée à la longue histoire du bassin houiller de Brassac. Mégecoste avait alors sa fête patronale animée par les verriers, de bons vivants, où rien ne manquait : retraite aux flambeaux, course “vélocipédique”, bal, et une distraction des plus insolites : un concours de grimaces... En novembre 1891, la verrerie connut des journées de grève, les ouvriers revendiquant des heures fixes de travail et non plus des journées sans limitation d’heures comme les ouvriers des champs. Autrement la verrerie était fermée en juillet et août car il faisait trop chaud près des fours maintenus à, une température de 1 300 degrés.
Nous avons précédemment employé l’expression : “fontaines minérales” à propos des émergences de Clémensat et de Saint-Géron. Cependant nous devons distinguer les eaux de sources, dites superficielles, météoriques, ou encore de pluie, de retour au jour, après un parcours plus ou moins long et plus ou moins complexe en eaux douces et froides, des sources minéralisées Carbogazeuses.
Etymologiquement, les eaux minérales contiennent des minéraux en dissolution. D’un point de vue chimique, on définit l’eau minérale par : Eau + Gaz Carbonique + Sels Minéraux. D’autre part en France, l’unique définition des eaux minérales reconnue par l’Académie de Médecine résulte d’un décret du 12 janvier 1922, qui s’accorde aux eaux douées de propriétés thérapeutiques.
Les termes : thermale, thermominérale ou hydrothermale sont plus particulièrement employés pour les eaux dont la température est supérieure à celle de l’eau de la nappe phréatique régionale. Les eaux chaudes trouvent leur origine dans des terrains de plusieurs kilomètres d’épaisseur où règnent à la fois des températures très élevées et de fortes pressions. Ces eaux proviennent d’une profondeur de 20 km environ, soit entre la croûte terrestre et celle du manteau.
Au sujet de l’origine des fontaines, la question fut débattue avec force depuis l’Antiquité. Même si Marcus Vitruve, architecte et ingénieur Romain du 1e siècle av J. C. affirmait déjà l’origine pluviale des eaux souterraines, les anciens naturalistes, dont ceux de la période moyenâgeuse, soutenaient davantage l’alimentation des sources par la mer, une théorie déjà partagée par la civilisation grecque. Un géologue d’exception et d’avant-garde, Pierre Perrault, l’auteur en 1674 de L’Origine des Fontaines, rejoignait les théories de Vitruve, en précisant que par l’expérience et le calcul, les pluies sont suffisantes pour alimenter les sources. Son contemporain naturaliste de renom dans toute l’Europe? John Ray, prétendait aussi en 1693, que toutes les sources venaient de la pluie ainsi que des rivières. En plus, il rejetait l’opinion de son temps, à savoir la non pénétration de la pluie dans le sol. Voilà des raisonnements scientifiques qui mettaient un terme à vingt siècles de débats.
La chaleur dans le sol croît avec la profondeur : en règle générale 1° C tous les 30 mètres dans le Granite ; ainsi des corps granitiques de la haute chaîne des Pyrénées donnent naissance à des sources chaudes (45 à 77° C). Dans les terrains volcaniques, la température croît de 1° C par 10 à 15 mètres de profondeur. Toutefois il existe toujours des cas particuliers : lors de sondages, des mesures ont montré des perturbations locales, sans compter que dans leurs remontées ces eaux perdent de leurs gradients de température. Evidemment, plus leur ascension est rapide, plus leur thermalité est élevée, ce qui fait toute une gamme intermédiaire de 86° pour le mystère de Chaudes-Aigues à 17° pour la source des Célestins à Vichy. Dès le 1er siècle av J. C., il était déjà question avec Vitruve d’une combustion souterraine pour les sources chaudes, ce qui explique les fontaines brûlantes aux alentours du Vésuve, même s’il est éteint depuis longtemps.
Selon les affirmations de Jean Ricour (1999), on ne doit pas à coup sûr concevoir la cause de la température de l’eau avec les terrains volcaniques. D’autres facteurs physico-chimiques voire hydrochimiques sont à étudier, comme certaines réactions d’oxydation ou de réduction qui peuvent provoquer des augmentations de température. Ainsi l’oxydation des sulfures de Fer donne naissance à des sulfates ferriques puis à des hydroxydes ferreux et de l’acide sulfurique avec une augmentation de température qui peut atteindre 300° et même 500° C. Une partie de la chaleur de certaines sources peut être due à ces réactions. Une augmentation de température peut aussi être provoquée par la présence d’éléments radioactifs. La désintégration d’éléments radioactifs provoque un dégagement de chaleur : 1 gramme de radium dégage 137 calories/heure.
Au sujet de l’origine et du cycle des eaux minérales, des méthodes de dosage des isotopes (oxygène 18, deutérium, carbone 14 et tritium) ont permis d’arriver à éliminer définitivement l’hypothèse d’une origine uniquement juvénile. En effet, d’une part la teneur en oxygène 18 des eaux de pluie est identique à celle des eaux minérales qui ne sont que des eaux météoriques infiltrées dans les couches superficielles de l’écorce terrestre. D’autre part, les teneurs en oxygène 18 et en deutérium de l’eau de pluie sont liées par une fraction linéaire qui dépend de l’altitude. Il est donc possible, en dosant ces éléments, d’évaluer celle à laquelle les eaux se sont infiltrées. Le tritium a fourni des indications sur l’âge des eaux minérales. Avant les explosions nucléaires dans l’atmosphère, qui débutèrent en 1952, sa teneur dans les eaux était d’environ un atome pour 10 atomes d’hydrogène, contre parfois 2 500 unités en 1964. Beaucoup d’eaux minérales ont été marquées par le tritium, preuve qu’elles contenaient des eaux de pluie infiltrées depuis 1952.
Dans l’espace-temps et géographique, le séjour souterrain des eaux minérales est vraiment variable : des périodes d’une cinquantaine d’années ont été démontrées, mais aussi de beaucoup plus longues de 5 100 ans à Cauterets dans les Pyrénées, 14 000 ans à Luchon ou 6 000 ans à Guagno-les-Bains en Corse. C’est à l’abbé Edmé Mariotte que revient la première méthodologie pour mesurer les vitesses d’écoulement et les débits des eaux dans son Traité du Mouvement des Eaux et des Autres Corps Fluides publié en 1686. La tâche de la science du cycle de l’eau resta longtemps imparfaite.
Cela étant précisé, poursuivons le petit cours d’hydrologie nous paraissant nécessaire à la compréhension du chimisme naturel, et du cheminement des eaux minérales. Avec la température, l’eau se dilate, elle peut ainsi remonter, nous l’avons dit, par des fractures de la croûte terrestre Dans son ascension, elle se charge d’émanation, dont des gaz rares tels que l’Héluim, l’Argon et des traces de Crypton et de Xénon qui viennent également du manteau, soit une partie de la terre directement en relation avec les magmas volcaniques en fusion. Les plus importants composants gazeux sont constitués d’Azote et de gaz Carbonique (Co²). C’est ce dernier gaz qui provoque à l’émergence les bouillonnements et le pétillement de l’eau avec plus ou moins d’effluves de vapeur. On accorde à l’élément gazeux des eaux minérales, le pouvoir dissolvant des roches, le gaz Carbonique libre en solution, étant plus abondant dans les sources froides que dans les sources chaudes. Quant au gaz Carbonique il peut avoir pour origine une décomposition des carbonates en profondeur par “cuisson” magmatique des émanations à rapprocher avec des effluves volcaniques en profondeur.
Au siècle des “Lumières”, le géologue français Léonce Elie de Beaumont développera les premières tentatives scientifiques sérieuses d’explication des Orogenèses, de même qu’un éclairage nouveau sur les secrets de la “fabrication” naturelle des eaux minérales en imaginant un circuit amenant par infiltration des eaux superficielles jusqu’au voisinage du feu central, d’où, vaporisées et attaquant les roches rencontrées, elles remonteraient à la surface chargées éléments dissouts. Elie de Beaumont publiera ainsi avec le concours de Dufrenoy, la première carte géologique de France.
En conséquence, c’est soit dans les zones profondes où elles ont pris naissance, soit dans les failles qu’elles peuvent emprunter, servant de cheminées, que les eaux minérales se sont chargées de sels minéraux, qu’elles ont dissouts. Chaque source minérale est d’une composition hydrothermale correspondant à un complexe physico-chimique obéissant aux lois des solutions diluées, qui reposent sur les formations géologiques des terrains de jaillissement.
Les eaux minérales sont alors des catalyseurs d’oligo-éléments qui ont une activité biologique, des effets physiologiques et pharmacodynamiques parfaitement prouvés déjà par les Gallo-Romains. D’ailleurs les Celtes, sans doute bien avant, en faisaient le fondement de toute la médecine druidique et vénéraient Borvo. Les sociétés anciennes, sans pouvoir prouver chimiquement les propriétés des eaux carbogazeuses, savaient cependant apprécier leurs pouvoirs. Ainsi que nous le rappelle Jean Taborin (1999), Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle en 37 tomes, rédigée au 1er siècle, faisaient un vibrant éloge des eaux minérales soignant les plaies, les maux d’estomac, les nerfs, la stérilité, l’ivrognerie, les maux de l’amour ???... et la perte de la mémoire. Le symbolisme de la boisson de vie et d’éternité se retrouve chez de nombreux peuples et civilisations, l’homme ayant découvert les bienfaits des bains il y a au moins 5 000 ans à travers, par exemple, les puits aménagés à Forli en Italie.
Les eaux minérales répondent à une classification de dix catégories et à un principe actif. Ce sont soit des sources Bicarbonatées Sodiques, Bicarbonatées Calciques, Chloribicarbonatées, Bicarbonatées à éléments divers, sources encore soit Chlorées, Radioactives, le plus souvent par la présence de Radon, etc. L’élément radioactif est le plus généralement rencontré dans les sources froides, circulant sur des massifs granitiques, ces derniers renfermant parfois les minéralisations Uranifères. L’étude chimique d’une source minérale fournit des renseignements importants sur le système profond d’un point de vue géologique.
Les eaux gazeuses, dites familièrement “l’eau qui pique”, sont préférées par les puristes à l’eau de Seltz gazéifiée artificiellement, car elles ne troublent pas le vin et donnent un piquant plus agréable. A ce sujet, dans son ouvrage sur : Les Eaux Minérales d’Auvergne de 1873, le docteur Boucoumont se voulait affirmatif en prolongeant ses propos sur les bienfaits de cette eau : à savoir que les gaz carboniques éveillent l’appétit et exercent sur les glandes de l’estomac une action stimulante, ils augmentent la sécrétion des sucs gastriques, activent la digestion et favorisent l’assimilation. Mais en plus, ils ont une action sédative sur les états nerveux de l’estomac, calment les douleurs qui accompagne la digestion, arrêtent les vomissements passagés et sont efficaces pour combattre les gastralgiques réfractaires à tout traitement.
L’Auvergne est une région où les eaux gazeuses ont une tendance Bicarbonatée Sodique très nette. Elles sont, dans l’ensemble, idéales pour les estomacs fatigués, les intestins délicats, les foies surmenés. Les propriétés particulières de ces eaux riches en Carbonates de Calcium fait que cette précipitation de Carbonate insoluble entraîne dans sa transformation en Calcaire (pierre à chaux) le colmatage progressif des griffons : le “bouchon ” ou la “carbonaté” des anciens auteurs. Dans la pratique, pour rétablir le flux hydrominéral naturel, les fontainiers ont recours à des sondages moyennement profonds, de 30 à 60 mètres, par tubages métalliques soient destructifs (pulvérisation de la roche) soient carottés, afin de libérer le débit des gangues déposées sous la forme banale d’Aragonite souvent teinté de Fluoculats de Sels de Fer. Du fait de la transformation de ces eaux, il est tout à fait concevable que les anciens se soient interrogés. Ainsi Pline, Strabon et Vitruve décriront des dépôts de roche calcaire formés à l’air libre. Puis Ovide, auteur par ailleurs de la très sérieuse œuvre Les Métamorphoses, s’inquiétait et déclarait que : “ de telles eaux peuvent, si on en boit, pétrifier les entrailles” ; les mots sont forts mais ils démontrent bien que c’est l’intime et l’essentiel de l’être qui sont atteints. La fontaine pétrifiante des Grottes du Pérou de Saint-Alyre, émergente dans l’agglomération clermontoise, a un débouché sur un artisanat absolument original : l’incrustation sur moulage de camées et divers objets décoratifs.
Déjà Legrand d’Aussy dans sa célèbre publication : Voyage fait en 1787-1788 dans la ci-devant Haute et Basse -Auvergne-An III-, expose qu’il existe depuis longtemps un petit commerce d’animaux et végétaux pétrifiés avec l’eau de la source de Saint-Alyre.
En règle générale, les eaux minérales sourdent dans les régions des grands soulèvements de l’ère Tertiaire : Pyrénées, Alpes, Jura, Massif-Central, ce qui revient à dire, que la France est particulièrement favorisée en cet approvisionnement naturel, possédant 20 % du capital thermal de l’Europe. On a dénombré dans l’hexagone plus de deux mille sources d’eaux minérales, dont mille deux cent environ sont captées, mille régulièrement exploitées par cent quarante établissements thermaux. Avec la diversité de ses onze stations, l’Auvergne est la première province thermale française. Son “offre thermale” accueille 2 millions de personnes (curistes, accompagnateurs ou touristes), génèrent 8.000 emplois, dont 2.500 permanents, 5.500 saisonniers, 1.500 emplois spécifiques aux soins thermaux (médecins et personnel médical) et 3.500 emplois dans le commerce, soit une providence économique non négligeable : 2 milliards de francs de chiffre d’affaires, dont les deux tiers reviennent à l’économie locale, malgré une baisse de fréquentation enregistrée depuis les années 1970 due en partie à la disparition de l’Empire Colonial Français. On évalua, dès 1817, que les malades de la commune du Mont-Dore y laissaient chaque année 400 000 francs de numéraire.
La renaissance de la thérapeutique thermale a impliqué de nombreuses sources, exploitées dès la deuxième moitié du XIXe siècle. La fréquentation des eaux concerna d’abord un milieu social favorisé, essentiellement aristocratique du fait de la “Révolution Industrielle” ; nous sommes particulièrement à la période dite “des 200 familles” et il n’était pas rare de voir des individus distingués se déplaçaient en chaise à porteur. A l’ère de “l’Empire Colonial Français”, ce sont aussi des notables fonctionnaires et militaires (30% des curistes) qui viennent se refaire une santé, soigner des maladies des “pays chauds”, troubles digestifs et paludisme, contractées pendant ou après leurs séjours outre-mer. L’embellie thermale commence d’abord à la “belle époque” par une clientèle aisée ; suit alors l’accroissement du niveau de vie moyen. Elle se poursuit aujourd’hui avec la “démocratisation” des eaux grâce à la sécurité sociale qui se généralisera à la deuxième moitié du XXe siècle.
Malgré ses éléments de richesse ou de luxe réel, c’est tout de même une “éthique” car le thermalisme français reste essentiellement une activité médicale. Son action peut concourir ou quelquefois rivaliser la Chimiothérapie. La Crénothérapie est une pharmacodynamique naturelle, offrant indiscutablement des améliorations cliniques, caractérisées par la variété des indications thérapeutiques des eaux. Les établissements thermaux sont à cet égard spécialisés et pratiquent des techniques de soins selon les affections et les prescriptions médicales. Les eaux de Châtelguyon sont reconnues pour leurs effets sur le fonctionnement gastrique ou intestinal d’une efficacité certaine. Le thermalisme répond ainsi à une dizaine d’indications : les maladies cardio-vasculaires à Royat, les rhumatismes à Dax, le traitement du diabète à Vals...
Non seulement les villes d’eaux “soignent” mais elles sont aussi remarquables dans leurs efforts d’embellissement, des localités accueillantes, de tranquillité propre au repos, et aux séjours paisibles des curistes, d’un “fonctionnement” exempt de “l’ère du vite”, espérons pour longtemps. En Août 1903, le maire de Royat prit une mesure “céleste”, pour ne pas dire pratiquement impossible aujourd’hui, en réglementant la vitesse des automobiles à 8 à l’heure dans la traversée de la station ! Cela s’appliquait également aux cabriolets à cheval qui étaient interdits de galops. Il était certainement peu convenable de perturber le cortège des gentilshommes en chaise à porteurs, dans les villes d’eaux, ce mode de transport prenait un véritable air de magnificence et d’exaltation.
Source de Clémensat
Comme nous l’avons rapporté, la source de Clémensat est placée sur l’alignement Est du grand bassin limagnais, marqué d’un décrochement considérable, entre le vieux socle métamorphique Hercynien et la plaine Oligocène. A latitude de Brioude et de Brassac, les formations tertiaires recouvrent des sédiments du Carbonifère, qui donnèrent lieu à un important dynamisme minier pour des charbons gras et Anthraciteux. Dans le détail structural, l’émergence de la source de Clémensat est comprise dans les parages de filons Quartzo-Barytiques, plus ou moins minéralisés de galène, exploités épisodiquement de 1840 à 1910, une ancienne galerie passant même sous les maisons du hameau de Triozon, se trouvant perché au-dessus de la source.
Ce constat de la source de Clémensat, en relation avec des filons métalliques, corrobore parfaitement avec les observations faites en 1911 par Paul Garnaud, docteur en pharmacie à Combronde (Puy-de-Dôme). Selon lui, les sources en rapport avec des filons sulfureux sont des eaux ignées non mélangées d’eaux météoriques, ou eaux mixtes, car elles sont d’une température et d’une composition constante ; ainsi leur débit ne varie pas avec les pluies et les saisons. Toutefois, on ne relève pas pour autant au griffon de la source, un dépôt de sulfate de Baryum.
Après cette relation réellement établie, entre les sources et les facteurs structuraux, il est important de prendre en considération les observations de Louis De Launay (1899) d’une compétence incontestée, membre du Corps des mines. En effet lorsqu’on fait une étude de détail, dans de nombreux cas, les émergences se trouvent à une certaine distance des fractures principales et le plus souvent se sont de simples diaclases des roches encaissantes ou de petites failles qui conduisent à l’émergence.
On découvre la source de Clémensat sous le hameau du semblable nom et celui de Triozon sur le territoire de la commune d’Azerat. Le filet d’eau sourdre dans la ligne d’un thalweg, au sein du même d’un petit ruisseau, presque toujours à sec en été, torrentiel parfois pendant les pluies, la fonte des neiges et des glaces. Les “eaux sauvages” de ce cours d’eau, qui les descendent de la forêt dite du Bois-Noir, sont un paradis de sangliers et de chevreuils.
Dans le détail, la source de Clémensat se partage en trois filets d’eau, distants seulement d’une dizaine de mètres. Pour l’hydrologue, il ne peut que s’agir de la même ère d’émergence, soit un tronc principal qui se subdivise. Ces émergences ont respectivement pour nom : source Saint-Jean, source Saint-Robert et source des Bénédictins, plus connue sous la désignation de Saint-Odilon, prieur de la Chaise-Dieu. Il y eut en tout état de cause à Azerat, un prieuré qui dépendait de l’abbaye de la Chaise-Dieu, qui avait au temps de ses grandes heure, le droit de haute, moyenne et basse justice, sur de nombreuses contrées des contreforts du Forez.
Des sources sont déjà antiques par le toponyme : Clémensat, qui proviendrait du radical gallo-romain “Clamens Aguae” soit : “Eau Clémente” traduisons tout court... des eaux bonnes... douces... généreuses... Quant à “décortiquer” le patronyme Triozon, qui est en relation avec l’eau…, la racine mère correspondrait à “ausa” = rivière et eau courante et le préfixe “trio” au chiffre trois, étant donné que la source de Clémensat sourd par trois filets d’eau… Des monnaies de la civilisation conquérante auraient été découvertes au cours de la construction de l’établissement thermal. Devait-on pareillement retrouver l’antique usage de l’offrande des épingles, un rituel “fichant le mal” à la fontaine, généralement des épinglettes précédemment fixées sur les vêtements touchant la partie du corps malade.
La première période de l’exploitation de la source de Clémensat date donc de l’époque gallo-romaine, puis à nouveau, nous l’avons également précisé, pendant plusieurs siècles par une congrégation religieuse, les moines Bénédictins de l’Abbaye Royale de la Chaise-Dieu. Sous le règne de Charlemagne, de nombreuses sources seront particulièrement concédées à des Bénédictins, des vignes aussi... Une façon aussi pour l’église chrétienne de s’implanter aux endroits nés du thermalisme, une intention comme en différentes occasions, de rivaliser contre les anciennes divinités, dont Borvo qui était pour les Celtes le Dieu des sources. On cite un capitulaire toujours de Charlemagne, interdisant à ses sujets du Rhin, l’adoration des fontaines.
On situe dans sa phase moderne l’existence de la source de Clémensat, sur un document joint à la circulaire de Chaptal, en rapport avec la période révolutionnaire, adressé au “citoyen préfet” de la Haute Loire, une pièce administrative dépourvue de commentaires, sur les vingt-six émergences minérales mentionnées dans le département du Massif-Central. La source de Saint-Géron semblerait méconnue, alors que de simples “fontaines minérales” avoisinant Brioude y sont inventoriées : Lamothe, Paulhac et celle du Cé, près d’Auzon.
La Source de Saint-Géron se trouvait, elle, d’une résurgence comblée, devant l’entraîner dans l’oubli Le culte des fontaines était si populaire en Gaule que les premiers évangélisateurs tentèrent d’anéantir cette vénération, avant que l’Eglise ne christianise les fontaines, en les associant à des Saints ; ainsi une source de Vals prit même le nom de la : Chrétienne. Il est évident que les Saints guérisseurs assuraient une renommée et pouvaient attirer en nombre non seulement les malades mais encore les croyants, alors que le nom de “Bonne-Source” aurait souvent suffit à chaque fois que les eaux témoignaient des vertus. On y retrouve des noms de Saints ne figurant pas toujours au calendrier diocésain, tel que Saint-Eutrope reconnu pour secourir les estropiés, une source de ce nom se trouvant à Fontannes près de Brioude et en Haute-Vienne. Autre exemple : la source Saint-Lange, à Saint-Didier-sur-Anoux, dans la région de la Charité sur Loire, connue pour secourir les nouveau-nés.
La source de Saint-Géron est aussi absente du formulaire sur les eaux minérales de la Haute-Loire en date du 17 février 1872. Les renseignements portés sur ce questionnaire provenaient de la Société d’Agriculture du Puy, établi à la requête du Bureau de la Police Sanitaire et Industrielle, subordonné au Ministère de l’Agriculture et du Commerce.
Suivant les premiers documents se rapportant à la source de Clémensat, une lettre du 8 octobre 1834 du maire d’Azerat, le dénommé Veyrières, fait part au préfet de la Haute-Loire, de l’intention d’un médecin du pays, le docteur Jean-Baptiste Charreyre de Lempdes, de solliciter du conseil municipal la jouissance des eaux minérales dans le but de donner à l’établissement toute extension qu’il pourrait comporter, mais à condition d’être nommé médecin inspecteur, une position équivalente à celle des intendants des eaux minérales de l’Ancien Régime. En tout état de cause, il n’était pas envisageable de pratiquer la médecine des eaux sans qu’un praticien de cure, comme la réglementation l’obligeait, ne soit rattaché à l’établissement hydrominéral. Effectivement, pour une meilleure efficacité des soins, on devait tenir compte de la maladie à traiter. Vichy fut le premier centre thermal à profiter d’un médecin des eaux dès 1635. Le premier magistrat de la commune d’Azerat informait le représentant de l’Etat que, d’après une analyse faite par Henri Lecoq de Clermont, les sources de Clémensat ne renfermaient aucun principe nuisible et qu’elles appartenaient au contraire à la matière médicale.
Les exploitants de sources se procuraient sans aucun doute des appuis scientifiques. Le naturaliste de renom Henri Lecoq, professeur à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand, correspondant de l’Institut de France et du Ministère de l’Instruction Publique, faisait donc notoriété en la matière. Avant de procéder à une analyse plus complète, Henri Lecoq, également pharmacien, avait pour habitude de placer sous le filet d’eau d’une source une pièce d’argent et si celle-ci noircissait rapidement, l’opération indiquait la présence d’un hydrosulfate de soude. L’illustre clermontois déposera des brevets d’invention de produits alimentaires à thématique “Vichyssoise” : pâtes... vermicelles... et pains de Vichy. Bien d’autres fabricants extérieurs lui emboîteront le pas, pour de la “mousseline de Vichy” vers 1907, le “longuet de Vichy” vers 1909, puis nombreux produits de confiseries, de parfumeries, tissus... Phénomène de mode, la station de Vals Les Bains en Ardèche aura aussi à son nom des pastilles et bonbons, avant de devenir par la suite, une station de réputation internationale. Châtel-Guyon avait également ses pastilles du pharmacien Gilbert Miraton, recommandées pour les lenteurs intestinales. A la satisfaction des curistes, on accordait volontiers à la ville de Vichy l’envergure d’un petit Paris, avec ses nouveautés en tous genres tels les corsets de “madame vertu” qui faisaient justement rêver les élégantes.
Dans les faits, le courrier du maire d’Azerat rétorquait aux exigences d’une ordonnance royale du 18 juin 1823, spécifiant que chaque entreprise ayant pour effet de livrer au public des eaux minérales naturelles soit soumise à une autorisation préalable. La permission de l’exploitation de la source de Clémensat fut accordée en vertu d’un arrêté ministériel du 4 février 1908. A la même date rien que dans le Vivarais, 143 sources recevaient l’analogue approbation.
En premier lieu, ce sont d’anciens textes des Bénédictins de La Chaise-Dieu qui proclament les vertus de la source de Clémensat. Les citations “modernes” se rapportant à cette source nous sont d’abord fournies par le docteur Jean-François Matussière, médecin de l’hospice civil de Brioude. Lisons-le à ce propos dans sa Description Topographique et Médicale de Brioude, publiée en 1832: “A trois lieues et demie de la ville de Brioude l’on trouve au nord les sources minérales de Clémensat. Elles sont bonnes dans les embarras des viscères abdominaux, dans la jaunisse, les pâles couleurs. Ce sont les eaux dont nos concitoyens et tous les habitants des environs font le plus d’usage. Il est beaucoup d’eaux minérales qui ont plus de réputation et moins de vertus, elle peuvent remplacer celle de Vals.” La petite station de Vals les Bains, expédiait ses eaux à la Cour de France, comptait cinq mille trois cent curistes et trois millions de bouteilles partaient chaque année.
Composition Chimique, Caractéristiques et débit de l’Eau Minérale de CLEMENSAT :
- Température : 10° 75
- Débit : 2,70 litres/minutes
- Gaz Carbonique libre : 2,005 g
- Bicarbonate de Fer : 0,031
- Bicarbonate de Chaux : 0,359
- Bicarbonate de Soude : 1,658
- Bicarbonate de Magnésie : 0,368
- Bicarbonate de Potasse : Traces
- Sulfate de Soude : 0,003
- Phosphate de Soude : Traces
- Chlorure de Sodium : 0,033
- Chlorure de Lithium : 0,008
- Silice: 0,035
- Matières Organiques : 0,002
_________
- Minéralisation Totale: 4,573g
Suite à son analyse des eaux de Clémensat effectuée le 25 octobre 1882, Pierre Truchot, éminent professeur de la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand, auteur en 1878 du Dictionnaire des Eaux Minérales du Département du Puy-de-Dôme, ajoutait le commentaire suivant : “Les résultats de l’analyse de l’Eau de Clémensat témoignent d’une valeur thérapeutique assurée. La grande proportion d’acide carbonique libre, la dose élevée du bicarbonate de soude, le fer, la lithine et l’arsenic en font une eau minérale précieuse, soit comme eau de table, soit comme eau médicamenteuse”. Il est vrai que par leurs compositions en sels minéraux et en oligo-éléments, les eaux dites “minérales” ne présentent que des avantages tout au moins d’un point de vue métabolique.
Sur le précèdent questionnaire du 17 février 1872, émanant de la préfecture de la Haute-Loire, envoyé aux maires possédant des eaux minérales sur leur terroir communal, on relève pour la source de Clémensat que les propriétaires sont alors Félix Taphanel, marchand de fer à Brioude et le fermier Laurent Boyre de Triozon.
Ce formulaire de 1872 nous rapporte précisément des statistiques sur l’activité de la source de Clémensat, à savoir que l’eau minérale est débitée sur place, que le nombre de personnes qui en font usage chaque année est de trois cent environ que la saison des eaux est mai, juin, juillet et quelquefois le mois d’août, que le tarif pour chaque personne par verre pris sur place: 0,5f et par abonnement pour la saison de 5 francs. (Pour comparaison, la consultation au cabinet d’un médecin était de 2 francs).
On lit dans l’Abeille Brivadoise, du samedi 22 mai 1880, sous la plume du pharmacien Bonnefond, que sous la direction de Félix Taphanel, l’exploitation de cette source fut de courte durée. Le rédacteur formulait le vœu que des personnes puissent se réunir pour exploiter ces eaux minérales, non pas en grand précise-t-il, mais de manière à rendre sur les lieux tous les services que la thérapeutique est en droit d’attendre.
Suivant toujours les propos de l’apothicaire Brivadois, même si le docteur J. B.Charreyre fut nommé médecin inspecteur des eaux minérales de Clémensat, le 4 janvier 1835 et de plus propriétaire des lieux, sa demande n’aurait pas eu de suite, malgré les deux certificats en sa faveur, datés du 20 juin 1835, par le docteur Jean Baptiste Adrien Héraut, médecin directeur de l’hospice de Brioude, reçu à l’Ecole de Médecine de Paris le 6 août 1829, et du docteur Matussière originaire de Saint-Germain-L’Herm, dans les Monts du Forez. Les deux médecins, certifiant avoir constaté la qualité des eaux de Clémensat, réussissaient parfaitement toutes les fois qu’il s’agissait de donner du ton aux organes digestifs ou de stimuler sympathiquement quelques autres organes.
L’hebdomadaire L’Abeille Brivadoise informe encore ses lecteurs que les sources de Clémensat sont plus riches en fer que les eaux minérales de Spa (Belgique), de Pyrmont (Westphalie), de Forges (Seine-Inférieure), que l’acide carbonique y est bien abondant, que leurs eaux sont limpides, inodores, ont une saveur ferrugineuse très prononcée, et acidulée en même temps. Bref, une eau ferrugineuse comme dans le célèbre sketch de Bourvil : l’alcool non ! l’eau ferrugineuse, oui ! Bien que l’eau ferrugineuse accorde un meilleur goût à l’aigre et au doux de la piquette du pays, que ce soit de la vinasse ou du grand cru, il est bon de le consommer toujours avec modération.
Un précédent examen des eaux de Clémensat remonte au 23 mai 1880, effectué au laboratoire départemental de la Seine-Inférieure, par le dénommé Bidard, pharmacien de 1er classe, à Rouen, membre du Conseil central d’hygiène publique et de salubrité. Le 27 septembre suivant, une seconde analyse est effectuée à l’Ecole Nationale des Mines de Paris, par Le Chatelier, directeur du bureau d’essai de cette institution. L’Ecole Nationale des Mines devait, et doit toujours, fournir régulièrement des élites, des ingénieurs très sollicités tant en France qu’à l’étranger. Enfin une dernière analyse d’homologation aux résultats identiques a été pratiquée en mai 1907 par le docteur G. Roux, professeur agrégé à la faculté de médecine et chef du laboratoire municipal de Lyon. En l’occurrence, toutes ces analyses répétées faisaient aussi la réputation de la source.
Les principes thérapeutiques des eaux de Clémensat firent l’objet d’une communication en séance du 6 mai 1886, de la Société Agricole et Scientifique de la Haute-Loire, par Henri Mosnier, membre de la dite société, sous-directeur de l’Imprimerie Nationale à Paris. Suivant l’intervenant, le résultat des analyses de Pierre Truchot, directeur de la Station Agronomique du centre à Clermont-Ferrand, chevalier de la Légion d’honneur, et de deux chimistes de Paris et de Lille, fait que la proportion notable de ces eaux en Fer et en Arsenic témoigne de leurs propriétés minérales reconstituantes.
Henri Mosnier rapporte, en outre, à la connaissance de la société savante, comment Jean Casati a récemment entrepris l’exploitation de la source sur une vaste échelle, que son entreprise contribuera notablement à la prospérité du canton d’Auzon, qui tient la tête du progrès industriel dans notre département. L’Auvergne Thermale et Pittoresque de juin 1886 se faisait l’écho du communiqué de la Société Agricole et Scientifique de la Haute-Loire, dont Jean Casati était membre titulaire.
Les précédents vœux de l’apothicaire de 1e classe Bonnefond à Brioude, membre du Comité Départemental d’Hygiène, sont donc comblés, comme nous venons de le lire, dès 1884 par Jean Casati, industriel résidant faubourg des Olliers à Brioude. L’adresse administrative des eaux de Clémensat se trouvait à l’époque dans la cité Saint-Julien. En devenant le nouveau “minéralier” de la source de Clémensat, Jean Casati entreprend d’emblée la construction d’un établissement thermal. Même si l’édifice date de la fin du XXe siècle, son archaïsme architectural de pierres grises, de gros et de moyen appareil, le ferait plutôt remonter à un sanctuaire des siècles de civilisation gallo-romaine, ou bien davantage à un vestige de la fameuse ligne Maginot, du département frontalier de la Meuse. En effet, ce colossal monument, ayant pour fonction de recueillir en son cœur une eau jaillissante aux vertus surnaturelles, est d’une puissance et d’une solidité affichées pour l’immortalité, que l’on découvre enfoui dans un maquis touffu d’arbustes et de buissons, au creux du ruisseau de Clémensat. Le site mérite une visite, avec le respect des lieux qui s’impose, et une restauration dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine de cet ancien établissement hydrominéral “fichu” dans le fond d’un vallon offrirait pour le mieux son attrait étrange...
La masse rectangulaire de cet inaccoutumé “sarcophage” est d’un état de conservation plutôt bon, un ouvrage aux mérites des bâtisseurs de cathédrales. Dissimulé, nous l’avons précisé, à même le ruisseau de Clémensat, il a pour longueur une quarantaine de mètres, 6 à 7 mètres de large, et environ 6 mètres de hauteur. Sa toiture est en partie formée d’une voûte bâtie de briques, et d’une charpente recouverte de tuiles. Une véritable sépulture “tombeau” puisque seulement éclairée par des puits de lumières latéraux, de longs conduits bâtis de pierres (gneiss tiré sur place) et de briques, leur conception en arcades rappelant encore plus confusément l’Antique, caractéristique de l’établissement de bains retrouvé à Pompéi. Ces profondes ouvertures servaient non seulement à éclairer quelque peu “l’enceinte sacrée” mais surtout à l’aérer des dégagements des menaçantes et dangereuses vapeurs nocives du gaz carbonique : Co2, au pouvoir anesthésiant bien connu, et de la désagréable odeur du soufre caractérisé par les composés de fer, une émanation spécifique de l’acide sulfhydrique. Aux sources de la Soucheyre, une femme fut retrouvée morte asphyxiée, conséquence de son imprudence…
Ces remarquables bouches d’aérations construites de briques, se prêtant aussi à des combinaisons décoratives, mettent une note colorée atténuant la monotonie des matériaux principaux. Elles peuvent semblaient démesurés par leurs nombres et leurs dimensions en comparaison au faible débit des sources, et par conséquence à la faible quantité d’émanation de gaz carbonique. Mais il doit être pris en compte les éventuels “accidents géologiques” brutaux, comme les tremblements de terre, pouvant produire, au moment où les couches profondes de l’écorce terrestre se compriment, un afflut considérable de Co2, s’échappant vers la surface. Ces émanations de gaz carbonique prennent le nom de “mofette”, de l’expression italienne de “mofetta” et que l’on trouve surtout dans la région de Naples. Eh bien oui... le Vésuve sommeille !
La secousse sismique régionale du 31 janvier 1857 produisit une inondation d’acide carbonique dans les galeries des mines de Pranal, près de Pontgibaud. Lors du tremblement de terre du 25 août 1892, l’eau des fontaines de la place Delille et du Cours Sablon à Clermont se mit à bouillonner pendant une demi-minute. Les perturbations sismiques peuvent non seulement causer des modifications dans le régime des sources, mais aussi les tarir, suite à des glissements de terrains. Au contraire, des sources peuvent surgir au cours de la mise en place de nouvelles failles, comme à Néris-Les-Bains lors du désastreux tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Devons-nous comprendre... qu’avant la source, il y a les mystères telluriques.
Les travaux miniers ne sont pas toujours sans conséquence pour les sources. En 1958, un grave incident mit en péril les thermes de Saint-Laurent-les Bains : un filon de Spath-Fluor alors exploité avait coupé la source. Il a fallu d’importants travaux pour la rendre à sa destination première. Quant au filon de Spath-Fluor, il fut abandonné en 1965. Dans les années 1880, l’exploitation des filons d’Antimoine de la mine d’Ouche près de Massiac devait tarir la source du hameau. En 1930 par précaution, les habitants de Sagneredonde, commune de Mercoeur, ont demandé à un huissier de Brioude de procéder à un constat du débit de leur source au moment de l’exploration d’un filon d’Antimoine.
Pour les curistes qui buvaient sur place, l’accès aux sources de Clémensat s’effectuait en empruntant un large escalier d’une trentaine de marches débité dans la sombre pierre volcanique de Volvic, qui donnait directement dans un hall d’une quinzaine de mètres carré. Local couvert d’une voûte appareillée de pierres formant un arc plein cintre, d’un aspect monumental d’édifice romain, il faisait peut-être office de vestiaire (apodyterium) pour les curistes. Une antichambre permettait toutefois d’accéder à la salle de soutirage, par un étroit couloir (1 mètre) entièrement voûté sur sa longueur (17 mètres), ses parements affirmant nécessairement la solidité de l’ouvrage. Le sol de cette enceinte était recouvert d’un ténébreux pavement de grandes dalles rectangulaires, de la pierre dite de Volvic.
La salle de soutirage est bâtie contre le griffon, l’eau minérale suinte directement de la paroi rocheuse, dans un petit bassin d’une contenance d’environ 150 à 200 litres. C’est un agencement primitif, à l’apparence d’un “Castellum Aquae” qui aurait affirmé une antiquité certaine s’il avait été de l’époque gallo-romaine, d’autant que les bords sont tapissés d’une épaisse carapace ferrugineuse, une matière rougeâtre, plus vraisemblablement de l’hydrate d’oxyde de fer, mêlé de silice et d’un peu de matière organique. Une minéralisation arséniée n’est pas à exclure, jouxtant en profondeur la circulation minérale, vraisemblablement le “lessivage” d’un sulfure, en l’occurrence du Mispickel. Ses eaux ferrugineuses, autrefois désignées sous le nom “d’eaux martiales”, se perdent le long d’une rigole d’écoulement pour rejoindre le ruisseau de Clémensat.
L’insuffisance des sources de Clémensat interdisait l’aménagement de salles de bains, tout comme l’eau d’une température naturelle seulement de 9° qui excluait cette possibilité. La basse température des eaux minérales signifie généralement une circulation à faible profondeur, ou un mélange d’eaux superficielles et d’eaux profondes. Il est vrai aussi que le débit des sources à émanations carbo-gazeuses se voudrait souvent faible, quelques litres/minute.
Dans l’organisation thermale de la source de Clémensat, il n’était pas possible de créer une buvette ainsi qu’un hall de pause pour les curistes qui étaient dans l’obligation de rester à proximité des sources entre chaque prise d’eau. Pour les malades “ prendre les eaux” demeure l’élément essentiel des soins car pour garantir leurs propriétés minérales, les boissons doivent être de préférence consommées sur place. La prescription médicale est aussi à suivre avec précaution et méthode, les doses, étant variables selon les affections : de 4 à 6 verres répartis dans la journée.
L’implantation de l’établissement hydrominéral de Clémensat remonte, nous l’avons dit, à l’année 1884. L’édifice ne sera pas terminé sur le plan ornemental, seulement une tentative de décor extérieur au niveau de la façade de la salle de soutirage, avec la visibilité de la fonction, à savoir un mur de pierres de couleur ocre, assemblé en gros blocs polygonaux, surmontés d’une corniche horizontale, faisant office de fronton : une décoration d’une parfaite inspiration des établissements thermaux monumentaux, où l’architecture témoigne d’une époque où l’on montrait avec force la matérialisation symbolique des puissances de l’eau.
A l’intérieur du bâtiment, rien d’un “luxueux palais” à l’image des grands thermes de Châtel-Guyon et de bien d’autres stations. Construit à la même date, on peut admirer dans la salle des pas perdus de l’établissement thermal de Châtel... de nobles matériaux, dont un magnifique pavement marbré de tons chauds, de colonnes en marbre rose, de voûtes embellies de splendides mosaïques polychromes en relief d’applique. Après ces premières impressions personnelles, lisons les informations du rédacteur de L’Auvergne Thermale et Pittoresque, du 20 juillet 1883 : “ Les très belles proportions de ces nouveaux thermes doivent un charme de plus au mélange de la pierre blanche alternant avec des assises ou des cordons et médaillons de la pierre polie de Volvic, une imitation très réussie de La Consolota de Gênes ou de Santa Maria dei Fiori de Florence; très heureuse et très-élégante combinaison”. Il est vrai que c’est un espace merveilleux, à la fois nostalgique de la période romantique et d’une expression mauresque d’origine coloniale, avec voûtes et colonnades, dont le décor floral rappelle souvent les ambiances exotiques. Chaque établissement thermal à son particularisme ornemental. Ainsi celui du Mont-Dore se distingue par sa coupole néobyzantine, riche en couleurs.
Avait-on projeté à Clémensat de rentrer dans le monde thermal en créant une cité climatique et hydrominérale, d’une architecture classique des villes d’eaux : hôtels avec salons, piano pour les bals, écuries, remises, garages, petits théâtres pour les jours de pluie : sur un air des temps de la « Vie parisienne », lotissements de villas et de chalets, parcs romantiques et aires de jeux ? Des opérations immobilières analogues, commencées vers les années 1880, ont échoué pour les sources de la vallée de Chaudefour, près du lac Chambon où l’on devait installer l’éclairage électrique ; en même temps un magnifique hôtel de vingt et une chambre se construisait à la source de La Souchère-les-Bains, hameau de 52 habitants à 1 064 mètres d’altitude non loin de La Chaise-Dieu. Cette dernière localité balnéaire ne connaîtra qu’un succès éphémère, malgré une animation intense en ses débuts, avec ses 3 000 curistes par an. C’est avec la guerre de 1914-1918 que commença son oubli total, ce long conflit, portant d’ailleurs un sérieux coup à bien d’autres petites stations. Par son altitude de 1 020 mètres, la cité thermale de La Souchère avait l’avantage d’une station de cure d’air ou climatique. Nous entendons par “climatique”, en général, une contrée jouissant d’une ionisation atmosphérique, représentée par une proportion d’ions négatifs, provoquant un état de bien-être, un argument alors très touristique... à l’époque.
Les sources de Clémensat ont-elles été primitivement recouvertes d’une hutte de paille, soit une ordinaire paillote, comme souvent représentée sur des cartes postales de la fin du siècle dernier, abritant ainsi simplement les émergences minérales. Les buvettes les plus fréquentées, donc les plus en vue, avaient leurs “pittoresques” donneuses d’eau : des femmes impassibles remplissant sans cesse les verres, lesquelles sont maintenant entrées dans la légende, puisqu’aujourd’hui pratiquement toutes les stations laissent les robinets à la disposition des curistes en libre-service, une marque de la convivialité disparue.
Nous avons brièvement relaté que l’eau minérale de la source de Clémensat fut commercialisée en bouteilles car nous ne sommes plus au temps de la vente sur place des eaux sous forme de bonbonnes ou de cruches en terre. Le XIXe siècle est marqué en effet par l’apparition de l’utilisation à une grande échelle des eaux minérales embouteillées. Le développement des chemins de fer et l’amélioration des chemins de terre favorisaient l’exploitation des sources, les possibilités de transport à longue distance et les nouvelles voies de communication permettant aux curistes d’accéder plus rapidement et plus facilement aux stations.
En 1882, est construit sur le ruisseau d’Allevier un pont de 4 mètres d’ouverture, empruntant le chemin vicinal d’Azerat à Jumeaux, qui permet de rejoindre Clémensat. Les difficultés d’accès pouvaient, jusque-là, restreindre la fréquentation des curistes. Aussi la commission départementale des routes de la Haute-Loire prend, au cours de sa séance du 18 juillet 1885, la décision de rendre d’utilité publique depuis le lieu-dit : Les Granges, la construction d’un chemin vicinal ordinaire jusqu’à Clémensat. Le ministère de l’intérieur alloue le 26 juin 1886 une subvention totale de 23.050 francs pour la réalisation de cette voie d’accès à la source. En 1872, le hameau de Clémensat se compose de 14 feux et de 44 habitants (de nos jours un seul feu et seulement trois personnes âgées) ; concernant Azerat, on trouve actuellement 272 habitants, après 674 en 1844.
Dans ses textes publicitaires, la société des Eaux Minérales de Clémensat et Saint-Géron informait le public de l’adresse des voituriers assurant le transport pour Clémensat, au départ de Lempdes, Sainte-Florine, Brassac, Auzon, et Brioude. La durée du trajet depuis la petite sous-préfecture Brivadoise était d’environ 1heure 45 minutes, avec une charrette à cheval pour couvrir la dizaine de kilomètres. Bien sûr, comme partout ailleurs on allait “aux eaux” à Clémensat en calèche...l’élégance mondaine obligeait ! Il était même indiqué aux curistes les possibilités de séjourner dans l’ancienne et pittoresque petite ville d’Auzon, voisine des sources, offrant aux malades une installation commode, à prix modéré comme les villages à proximité, pour leurs logements à prix très réduits.
La source de Clémensat devait produire rien qu’à la belle saison, (en raison du gel en période hivernale) environ deux à trois mille bouteilles. En 1891, le prix de vente de chaque bouteille était de cinq centimes ; à cette somme il fallait additionner 0,05 francs correspondant au montant de l’Octroi, c’est-à-dire une taxe de valeur ajoutée, s’appliquant sur la circulation de toutes les marchandises, autrement dit une douane intérieure mise en place le 22 Messidor An XI et supprimée au lendemain de la guerre de 1914-1918.
En 1898, les eaux minérales de la Soucheyre étaient vendues sur place à deux centimes et demi la bouteille, certaines eaux minérales se vendaient jusqu’à 3 ou 4 francs dans les restaurants de Paris, alors qu’une représentation des “Bouffes-Parisiens” valait seulement 20 centimes. Dans une de ses parutions de mai 1912, L’Auvergne Thermale et Pittoresque dénonçait cet abus en formulant le regret qu’un commerce aussi peu consciencieux allait à l’encontre des intérêts de tous. En 1908, les eaux minérales cantaliennes de Vic-Sur-Cère coûtaient pour un particulier à Paris 0 francs 35 la bouteille. Par comparaison au prix normal d’une bouteille d’eau minérale, une saison de 20 jours comprenant chambre, table et le traitement balnéaire complet coûtait 250 francs en première classe et 200 francs en deuxième classe. L’Auvergne Thermale et Pittoresque était au prix de 20 centimes le numéro, chaque parution présentait une étude impartiale et approfondie d’une ville d’eau, les soins dispensés et les affections traitées. Une livraison du mois de juin 1886 se faisait l’écho de la source de Clémensat.
Il est possible que les bouteilles utilisées à la source de Clémensat ne provenaient pas de la verrerie voisine de Mégecoste, appartenant à la Société Fermière de l’Etablissement Thermal de Vichy, depuis 1883, établissement concurrent d’envergure qui avait pour directeur Michel Brosson. Les frères Brosson avait acquis plusieurs sources dans le Massif Central. Des documents témoignent d’une correspondance au cours de la décennie 1921-1932, entre la verrerie de Veauche (Saint-Calmier) Loire et la Société des Eaux Minérales de Clémensat et Saint-Géron, dirigée par Louis Casati, également président des Magasins Généraux de Lyon-Guillotière, décédé en 1951, Conseiller du Commerce Extérieur, Chevalier du Mérite Social, Chevalier de la Légion d’Honneur. Son frère Auguste, avocat à la Cour d’Appel de Paris (disparu en 1950) participa aussi à la création de la société. Il a été particulièrement connu dans la région pour avoir plaider dans la douloureuse “affaire” de la Croix de Vergongheon en 1908. Rappelons que ce singulier trouble à l’ordre public se situe à une époque de tension exacerbée entre cléricaux et républicain : l’assassinat du curé Rivet en 1882 à Saint-Arcons-d’Allier embrasait encore les esprits. Auguste Casati, très dévoué au pays Brivadois, il fut également président du Syndicat d’initiative d’Arvant.
De mi-mai à mi-octobre, l’eau minérale de Clémensat et de Saint-Géron se vendait à domicile par un service régulier de camionnage, évidemment à traction animale, à l’époque où la race chevaline tenait encore le haut du pavé, malgré l’avènement de l’automobile depuis deux décennies. Pour les consommateurs ne pouvant se passer des bienfaits des eaux minérales de Clémensat et de Saint-Géron, la société assurait des dépôts dans la région. A Brioude, il fallait s’adresser à Mme Simard Maurice, maison de poteries rue du Quatre Septembre, à Lempdes chez Mr Brugeroux, épicier place de la Halle, à Brassac chez Mme Triche place Saint-Nicolas, pour Sainte-Florine et Mégecoste chez Mr Eugène Poissonnier. L’eau de Saint-Géron sera également distribuée au Casino de Charbonnière les Bains, près de Lyon. En 1910, la caisse de 50 litres prise sur place à l’entrepôt d’Arvant coûtait 22 francs 50, la caisse de 24 litres s’élevait à 11 francs 50.
Alors que les grandes stations multipliaient prospectus, brochures, réclames dans les journaux, à la célébrité de leurs sources, une affiche de 1900 allait jusqu’à “exhiber” des curistes guéris par les eaux de Chaudes-Aigues, brûlant leurs béquilles. La société des eaux minérales de Clémensat et de Saint-Géron ne restait pas inactive en publiant dès 1887 à l’intention de sa clientèle, un petit livret publicitaire d’une dizaine de pages, en insérant encore ses publicités dans la presse locale : L’Union Brivadoise et Le Moniteur de Brioude, puis par des affichages illustrant les sources, avec pour devise concernant notamment la source de Saint-Géron : “La Reine des eaux de table” - “ zéro bactérie” - “ ni colibacille”. Pour celle de Clémensat, le slogan se voulait : “ le crédit foncier des globules rouges et des cellules nerveuses”, la dose thérapeutique est aussi précisée : un litre par jour. Les étiquettes de la source de Renlaigue, près d’Issoire mentionnaient de soigner jusqu’aux “débilités” ? des embarras gastriques de l’estomac, voulait-on sans doute parler.
Bien d’autres arguments thérapeutiques sont encore intelligemment mentionnés pour ces deux petites sources du pays brivadois : Eaux apéritives, digestives, reconstituantes par excellence, reconnues les meilleurs pour être bues chez soi, pour l’anémie, la chlorose, le diabète, la gastralgie, les névroses, la goutte, le lymphatisme, les épidémies, le rachitisme, l’anémie et pour le coupage des biberons. En effet, des mamans venaient, sans détour, remplir les biberons à la source de Saint-Géron, lorsqu’un bébé souffrait de diarrhée verte. Il ne s’agit pas d’une “farce paysanne” mais bien d’une médecine empirique et populaire, incontestablement salutaire semblerait-il pour la survie des nourrissons, la quantité de fer contenue dans cette eau étant relativement faible, elle n’irritait pas les muqueuses gastriques. Les vertus des eaux de Saint-Géron étaient en plus recommandées pour les prétuberculeux, une maladie à peu près inconnue de nos jours et cependant jusqu’à la dernière guerre, la tuberculose fut un désastreux fléau de santé publique des villes et campagnes.
Enfin les eaux de Clémensat et de Saint-Géron étaient préconisées contre les fièvres paludéennes : certaines stations avaient jusqu’à 30 % de sa clientèle en provenance des pays d’Afrique ou d’Asie, des thermes se spécialisèrent même pour les coloniaux. Pour sa part, la petite source du Cé près d’Auzon, s’enorgueillit en tant que “La Perle de L’Eau” source gazeuse et ferrugineuse, approuvée par l’Académie de Médecine en 1885. Tout n’est peut-être pas perdu pour la source du Cé, puisque dernièrement (1997) des sondages ont été réalisés pour évaluer ses possibilités de débit. A une époque, il faut bien l’admettre, où l’eau courante... a de plus en plus de problèmes de pollution, cette source peut prendre une place dans la surconsommation d’eaux minérales ; à noter de même pour une certaine source d dénommée : Le Sey, à Saint-Nectaire (63).
La source de Saint-Géron connut “ses heures de gloire” par la remise de décorations : Médaille d’Argent grand module, à l’Exposition Industrielle Méridionale de Nîmes en juin 1888, grand Diplôme D’honneur à Nice en 1890, Diplôme D’honneur à Paris en 1889, Médaille d’Or à Alger également en 1889. Cela “coule de source” chaque établissement hydro-minéral faisait part de sa récompense obtenue lors des expositions industrielles. Clermont avait sa propre manifestation où les minéraliers ne se contentaient pas de vendre mais où ils participaient aussi aux foires régionales. La “guérilla” des sources se pratiquait non seulement par slogans publicitaires, mais également par obtention de prix. On voulait être identique, ou parfois supérieur, aux eaux de Vichy. La société des eaux de Montrond dans la Loire, se recommandait 50 % meilleur marché que celles de Vichy et de Vals, tout en étant plus ferrugineuse et plus gazeuse.
Des points de vente au détail des eaux de Saint-Géron et de Clémensat se trouvaient encore signalés aux devantures des pharmacies (jusqu’aux années cinquante les eaux minérales étaient surtout vendues en officines), droguistes et marchands d’eaux minérales, de France et de l’étranger. Des dépôts étaient en place à Paris 20 rue des Quatre-Fils, à Lyon 67 Quai Pierre-Seize, à Marseille 9 rue Paradis et à Toulon 73 rue Lafayette. Les expéditions dans toute la France par chemin de fer des eaux de Saint-Géron, valurent une certaine activité à la gare d’Arvant, l’acheminement des casiers de bouteilles, s’effectuant en “petite vitesse”, c’est-à-dire à l’allure réduite des messageries.
Pour nous situer dans le palmarès des métropoles européennes de “l’avènement thermal”, Vichy était incontestablement la Reine des villes d’eaux Française, avec pour rivale les thermes allemands de Carlsbad, également un haut lieu de la vie mondaine et le rendez-vous ordinaire des souverains. La clientèle française sera défaillante pour les eaux allemandes à la guerre de 1870, cette évidence sera sans appel, surtout que par la suite, l’opinion sera influencée par les journaux, certains étant propagandistes à outrance. Cela-même une trentaine d’années plus tard, lisons à ce propos L’Auvergne Thermale et Pittoresque, lors de l’ouverture de la saison de 1907 : “ comme les Allemands ne viennent et ne viendront jamais faire une cure en France, il est assez naturel que nous restions chez nous, nous y serons mieux”. Il va de soi qu’après la guerre de 1914-18 la propagande reprit davantage non seulement un “leitmotiv” de la presse... mais elle fut aussi soutenue par des campagnes d’affichage. Rappelons que Carlsbad est toujours une station réputée de Bohème, du nom aujourd’hui de Karlovy Vary.
Dans le contexte du thermalisme du XIXe siècle, quasiment toutes les cités thermales affiliaient à leurs noms la fabuleuse terminologie : “les Eaux” ou “les Bains”, un “label” prestigieux et prodigieux pour leurs prospérités et postérités, une “plus-value” officiellement obtenue pour certaines localités, suite à un décret présidentiel. Saint-Géron et Clémensat avaient aussi leurs conjonctions : “les Eaux” ; on a du mal à imaginer le temps où Clémensat avec son noble titre, figurant sur d’anciens documents administratifs, le célèbre endroit n’ayant plus qu’un feu et son vieux métier à ferrer sur le couderc, sur lequel est passé le bétail.
La source de Clémensat devait cesser son activité en 1931, au moment où la société en commandite : Louis Casati, et Cie, devient anonyme sous le nom : “Société des Eaux Minérales de Clémensat et de Saint-Géron”. Le siège social et les entrepôts sont alors place de la gare à Arvant, localité proche des sources de Clémensat et de Saint-Géron, desservie par un important nœud ferroviaire des réseaux : Paris-Lyon-Méditerranée, et d’Orléans.
Malgré l’inactivité de la source de Clémensat, l’analyse réglementaire se poursuivra quelques années. Suivant les renseignements statistiques établis le 22 décembre 1931, par le laboratoire départemental bactériologique et biologique de la Haute-Loire, le débit de la source semble seulement de : 0,90 litre par minute. Précédemment nous avons évoqué un volume de 2 litres 70 minutes, vraisemblablement la quantité des trois émergences réunies, d’autant plus que sur le procès-verbal, il est seulement question de la source St Odilon. Le même rapport confirme ses caractéristiques minérales : eau gazeuse, température de + 9°, sa résistivité électrique est mentionnée inconnue, ainsi que sa radioactivité.
La radioactivité des gaz thermaux et de la matière minérale est bien réelle. Cette radioactivité des eaux minérales constitue une réalité mal connue pour les spécialistes. Elle serait pratiquement sans influence décelable pour l’organisme. Il n’est pas douteux que ce rayonnement soit ionisant et son énergie transmise est reçue dans l’organisme sous forme d’excitation. Les travaux analytiques de l’époque ne prenaient pas en compte la radioactivité de ses eaux souterraines, pas plus que les eaux de surface. Les possibilités de mesurer la radioactivité remontent d’une façon pratique aux années 1920.
Des résultats d’analyse des eaux de Clémensat effectués en bouillon de culture à 42° pendant 48 heures se montreront négatifs. Les cultures sur plaques de gélatine révèleront de très rares colonies : la numération des germes ne procurait guère plus de 20 colonies par Cm3 et 8 moisissures, aucun germe cependant suspect. Les conclusions des analyses bactériologiques confirmaient toujours une eau pure, non polluée.
C’est suivant une analyse réalisée en 1934, par le docteur Arsac, directeur du laboratoire départemental, que la résistivité électrique de la source de Clémensat était définie : 960 ohms, son acidité ionique (soit son Ph) : 6.7, son degré hygrométrique total était de 47.
Le renoncement de la source de Clémensat, n’a vraisemblablement pas de rapport avec le krach de Wall Street de 1929 et le climat économique qui s’ensuivit, dont la débâcle financière qui se répercuta peu à peu à tous les secteurs de l’économie américaine et des pays occidentaux. Pour sa part Jean Boulet, propriétaire de la source minérale “La Souveraine” sur le territoire de la commune de Prades St Julien, dans la haute vallée de l’Allier près de Langeac, dénonce dans son rapport annuel de 1931, envoyé au préfet, la concurrence des grandes maisons, les frais onéreux de la régie pour les petites sources, et demande les moyens de poursuivre son activité. La source de Prades est alors abandonnée, et reprise en 1935 par Nicolas Mollon, ingénieur civil des mines, demeurant à Vorez Haute-Loire. Dès la première année, la production atteint 20 000 bouteilles de 90 centilitres. Pour donner un ordre de grandeur de la production d’une grande source, celle de Saint-Calmier (Badoit) produisait annuellement 15 millions de bouteilles.
En 1931, se constitue la nouvelle Société Anonyme des Eaux Minérales de Clémensat et de Saint-Géron, au capital de 175 000 francs, avec pour directeur Jean Prax. Désormais seule la source de Saint-Géron sera exploitée et l’activité commerciale diversifiée en produits de brasserie, notamment la bière de la société SODIBRA, à Aurillac, la fabrication de sodas et de limonade, boissons gazeuses produites et mises en bouteille à Arvant dans les locaux de la société. Il n’était pas question d’employer de l’eau minérale pour la production de sodas ou de limonades car la législation d’alors l’interdisait rigoureusement. De nos jours, la Communauté Européenne a mis la France face à des pays où la réglementation est moins stricte, autorisant des traitements divers. Des eaux de sources sont utilisées pour la fabrication de boissons sans alcool, jus de fruits, limonades, de même l’incorporation à une eau minérale du gaz carbonique qui n’est pas de la source.
La limonade est une boisson très appréciée, et pleinement à la mode aussitôt son invention vers 1850, créant une nouvelle branche nouvelle du négoce. La maison J. Hermann-Lachapelle, à Paris, recevait une médaille d’Or à l’Exposition Universelle de 1878, pour ses installations d’appareils en continu pouvant produire jusqu’à 10 000 bouteilles de limonade par jour.
Source de Saint-Géron
Pour relater la source de Saint-Géron, commençons par l’analyse chimique effectuée en 1888 par Adolphe Carnot, membre du Corps des Mines et de l’Académie des Sciences :
-Température : 11,3°
-Débit : 4,25 litres/minutes
-Gaz Carbonique : 1,7210 g
-Bicarbonate de Soude : 0,6040
-Bicarbonate de Potasse : 0,0960
-Bicarbonate de Lithine : Traces
-Bicarbonate de Chaux : 0,6860
-Bicarbonate de Magnésie : 0,1430
-Protoxyde de fer : 0,00980
-Sulfate de Soude : 0,0190
-Chlorure de Sodium : 0,0940
-Silice : 0,0470
__________
Minéralisation Totale : 3,408 g
Par leur température inférieure à 20°, les sources de Clémensat, et de Saint-Géron entrent dans la catégorie des eaux hypothermales, leur faible gradient thermique de l’ordre de 9° à 11°, est sans contredit celui des nappes phréatiques de la région.
La radioactivité de la source de Saint-Géron, nous est rapportée par M. L. Rémy et P. Pellerin, lors de leurs études en 1968, de 250 sources hydrominérales françaises. L’émergence de Saint-Géron est d’une valeur de : 1,5 p.p.b d’Uranium, c’est à dire une partie pour un milliard ; ceci est peu, nous fait remarquer Jacques Maisonneuve (1987). Selon un document de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale, établi à la demande du Conseil Général de la Haute-Loire en 1978, la teneur en Radon de la source de Saint-Géron est : 2,26 millimicrocuries. Par comparaison, la source Chomel à Vichy a un taux en Radon de : 5,72 x 10-9, la source Eugénie à Royat est d’une radioactivité à son émergence de 0, 40 millimicrocurie par litre d’eau. Les eaux thermales de Néris-Les-Bains ont une radioactivité de 2,98 millimicrocuries par litre, celle des gaz est de 5,88 millimicrocuries. A Evaux-Les-Bains, la radioactivité des eaux est de 2,34 millimicrocuries, celle des gaz thermaux dépassant 80 millimicrocuries.
Comme précédemment pour l’émergence de Clémensat, le débit de la source de Saint-Géron ne correspond nullement à celui fourni en 1931 par Louis Casati au service concerné de la préfecture de la Haute-Loire. On y relève en effet, par minute, un débit de 1 litre 35 ; peut-être s’agit-il d’un volume moyen annuel ? Quant à l’analyse bactériologique et microbienne effectuée à l’émergence au cours de la même année, dans la recherche de parasites et de micro-organismes pathogènes, les résultats ne présentent aucun germe suspect à déplorer, l’eau est donc déclarée non polluée et potable.
Le débit de la plupart des sources ne se montre pas toujours stable dans le temps. Les périodes de faible volume d’eau minérale peuvent éventuellement correspondre à des variations de la pression atmosphérique. Selon T. Collet et C. Drogue (1987), l’influence barométrique serait responsable de la plupart des fluctuations des niveaux aquifères, ce qui revient à dire que, sous l’effet des variations de la pression atmosphérique, l’eau souterraine peut subir des modifications de volume du fait de son élasticité. Aux modifications liées aux changements de pression atmosphérique, se superposeraient suivant les auteurs, des fluctuations diurnes et semi-diurnes, probablement en relation avec les phénomènes de marées terrestres. Selon V. Nivet (1846), la source gazeuse de Montpensier près d’Aigueperse se trouvait à l’approche des orages.
Enfin, une autre appréciation sur les faibles débits des sources, des sondages, ont démontré des circulations importantes lors des tests de production, ce qui tend à établir que le “système géologique” peut être plus ou moins colmaté en surface, d’où l’intérêt pour les minéraliers de pratiquer des investigations hydrogéologiques. En 1928, après avoir recoupé plusieurs comblements géologiques, et après trois années d’efforts pour le creusement d’une galerie souterraine de 800 mètres sur l’axe de la vallée du Goulot à Volvic, l’eau vint à jaillir d’une venue assez importante : 200 litres/seconde, ce qui permit d’apporter le grand essor économique que connaît cette source de la plaine limagnaise clermontoise.
Concernant le document statistique de l’année 1931 se rapportant à la source de Saint-Géron, nous y relevons la communication de Louis Casati à la préfecture, sur le nombre de bouteilles vendues, à savoir 41 000 litres pour la période du 1er janvier au 30 novembre. C’est avec le bilan d’activité de l’année 1932 que la résistivité électrique est connue, après analyse de l’ingénieur en chef des mines : 0,37 - 103x2 = 470 Ohms, résultat obtenu avec l’appareil Arnoux. S’agit-il de Gérard Arnoux, qui racheta en 1970 ce qui restait des thermes de Propiac-les-Bains dans le sud de la Drôme ? A partir de 1932, les renseignements sur la source de Saint-Géron ne sont plus signés Louis Casati, auquel jusqu’alors, les correspondances étaient transmises 51 chemin de Gerland à Lyon, mais par le directeur de la Société Anonyme des Eaux Minérales de Clémensat et de Saint-Géron, à Arvant.
Par décret du 30 avril 1930, sur la surveillance des sources et des établissements d’eaux minérales naturelles, les exploitants étaient tenus de faire faire au moins deux fois par an, une analyse bactériologique par un laboratoire public agréé. Les résultats étaient ensuite adressés par les propriétaires ou les directeurs des sources aux préfets, représentants de l’Etat, membres de droit et présidents du conseil départemental d’hygiène.
Le service des Mines se chargeait de la surveillance et de l’aménagement des sources et par conséquent des installations d’embouteillage. Le 12 mars 1932, la source de Saint-Géron recevait l’inspection de M. Delacote, ingénieur des Mines. Le 29 octobre de la même année, la source était visitée par M. Chamboudon, ingénieur des T.P.E. A la suite de ce contrôle, des travaux d’étanchéité étaient exécutés. Si les qualités de l’eau, l’aménagement de la source, ou les conditions d’exploitation ne correspondaient pas aux prescriptions des textes en vigueur, l’autorisation pouvait être suspendue, par arrêté ministériel.
Actuellement, des dispositions communautaires tendent à modifier les réglementations, jusque-là établies en France et en général appliquées dans les pays de tradition latine. Le Label d’eau minérale naturelle ne pouvait s’obtenir qu’après de nombreux critères : une eau souterraine, naturellement pure, dont la composition physico-chimique est constante, dont les qualités thérapeutiques ont été reconnues par l’Académie de Médecine, et autorisées par le ministère chargé de la santé. Actuellement en Allemagne, l’analyse d’un laboratoire agréé est une base suffisante pour obtenir la qualification.
Nous l’avons déjà signalé en son temps, suite à l’arrêté du 4 février 1908, les sources de Clémensat et de Saint-Géron seront autorisées à être exploitées après la parution du décret au Journal Officiel et l’approbation de l’Académie de Médecine.
Avant son captage au griffon, l’eau de la source de Saint-Géron s’écoulait librement dans la nature. Pour écarter une pollution par des eaux d’origine météorique et de matières organiques répandues dans les champs et pour maintenir sa qualité physico-chimique et bactériologique, il fut absolument nécessaire d’aller chercher la source à son point d’émergence. Aujourd’hui, les minéraliers doivent en plus se prémunir des infiltrations de nitrates, de pesticides, pollution irréversible diffusée par l’agriculture, mais aussi d’éléments toxiques issus des activités industrielles : hydrocarbures, solvants et métaux lourds en particulier. Et ceci afin de se préserver des “désastres” écologiques du genre et du montant “magistral” du traitement des eaux que l’on laisserait polluer, d’autant plus que ce sont de nombreux filets d’eaux qui convergent vers un point commun qui forment l’émergence. Les sources minérales sont plus que jamais à inscrire dans un environnement défendu par la création d’un périmètre de protection raisonnable, allant de la qualité paysagère à la gestion du milieu en partenariat avec les entreprises et les agriculteurs. Il est urgent de développer des actions conservatrices, conciliant les logiques écologiques, économiques et sociales… Ceci afin de pouvoir retrouver nos paysages“ impressionnistes” aux couleurs des coquelicots de Monet, ainsi que les bleuets “du champ d’honneur” de nos Braves Poilus.
L’aboutissement naturel de la source de Saint-Géron, au bas, et dans l’axe d’une large combe en dessous du hameau, sera retrouvé dans le plan vertical de la masse rocheuse, au niveau de la faille bordière. Le dispositif de captage alors mis en place est une installation rudimentaire au moyen d’un simple petit réservoir maçonné d’une capacité d’environ 7 mètres cubes, établi sur le griffon. A-t-on, à l’occasion des travaux, tenter d’élargir le mince filet d’eau minérale ? On avait parfois recours à cette pratique, lors du captage des sources.
Pour conduire à bien cette opération de captage de la source de Saint-Géron, on creusera, depuis son émergence dans les prairies, une large, profonde et longue tranchée de 80 mètres, (voir illustrations) les ouvriers avancèrent les travaux en suivant la veine d’eau (fil d’Ariane) jusqu’à l’aplomb de la contrainte tectonique. Ce type de travaux se réalisait généralement avec le concours technique d’un Ingénieur des Mines. Les membres du Corps des Mines se sont intéressés très tôt aux sources, sollicités notamment pour leur captage, l’étude de leur composition, et l’aménagement d’établissement hydrominéral. Les ingénieurs des Mines étaient d’une compétence incontestée, en matière de travaux de génie civil en général, très sollicités notamment pour l’approvisionnement des villes en eau. En 1859, Pierre Désiré Baudin, Ingénieur des Mines, de l’arrondissement minéralogique de la région Auvergne, sera chargé de l’étude d’une machine hydraulique destinée à distribuer de l’eau à Clermont-Ferrand, conçue certainement d’un mécanisme à vapeur, identique aux planches Encyclopédiques de Diderot.
Egalement en 1860, la commune de Brioude se préoccupait d’établir une adduction d’eau potable en sollicitant l’avis d’un ingénieur hydrologue. Les 4 852 habitants de l’agglomération brivadoise devaient se contenter d’eau de puits, une eau saumâtre, lourde, indigeste, suivie de fièvre intestinale. Pour combler une réserve en eau, en quantité insuffisante en temps de sécheresse, certaines familles recouraient à l’Allier ou bien s’approvisionnaient auprès des porteurs d’eau qui en faisaient commerce. Selon l’abbé Paramelle, en certains endroits, on vendait l’eau de rivière de vingt à trente centime le seau, et chaque bête de trait ou de somme en buvait pour une douzaine de sous par jour. Pour Grimaud de Caux, les habitants des villes en consomment chaque jour environ 5 litres par tête et il évalue le maximum des besoins aux quantités suivantes : une personne adulte peut consommer jusqu’à 10 litres d’eau par jour, un cheval 50 litres, un bœuf 30 litres, un mouton 2 litres, un porc 3 litres. Un constat pour nous... l’eau fut de tout temps un problème majeur de société. Ouvrir, fermer un robinet, c’est si banal aujourd’hui qu’on puise à tout moment une commodité sans originalité...
En 1853, sur l’invitation du maire de Brioude, l’illustre savant “hydroscope” l’abbé Paramelle, alors âgé de soixante-trois ans, découvrait une source qui, en son souvenir, porte son nom. Elle était à quelque distance de l’actuelle place de Paris, sur la route de Saint-Flour, de bonne qualité, assez abondante pour alimenter deux à trois fontaines. Cette émergence, aujourd’hui disparue, est donc oubliée. Elle devait néanmoins alimenter l’ancien établissement d’hydrothérapie tout proche. L’abbé Paramelle se déplaçait à cheval. Dans toutes les régions de France qu’il traversait, les populations se rendaient sur son passage pour examiner sa physionomie d’une constitution athlétique, et sa vue perçante qui paraissait pénétrer dans les entrailles de la terre. Il exerçait son art avec talent, il indiquait les lieux où il fallait creuser pour trouver les sources, avec une rapidité et une précision incroyables sur la profondeur et le volume. Le Courrier du Midi, journal de l’Hérault du 21 avril 1841, reconnaissait qu’il y avait en l’abbé Paramelle, une faculté instinctive, développée au plus haut degré. Avait-il recours à la méthode préconisée par Vitruve : se coucher sur le ventre, le menton appuyé sur la terre et regarder ainsi le long de la campagne la moindre vapeur humide s’élever en ondoyant. Mais c’est encore plus de trois cent numéros de divers journaux de Paris ou des départements qui ne parlaient de l’abbé Paramelle qu’avec éloges et mérites. Geoffroy-Saint-Hilaire, membre de l’Académie des Sciences, citait son habilité et ses résultats heureux dans La Quotidienne, du 7 décembre 1836.
Une circulaire de 1838 préconisait pertinemment l’engagement des Ingénieurs des Mines à des travaux de génie civil les plus divers. Il revient à Chaptal d’avoir orienté l’Ecole des Mines vers un enseignement plus pratique, notamment des stages d’instruction sur les lieux même d’activité, avec le souci d’assurer une formation plus proche des réalités industrielles. Enfin Chaptal fait partie de ceux qui se rallieront à la première expérience de synthèse de l’eau, par combinaison d’oxygène et d’hydrogène par Lavoisier en 1783, un grand progrès déjà, avant la découverte de la structure géométrique de la molécule d’eau.
Au cours de l’ouverture du long fossé aboutissant à l’émergence de la source de Saint-Géron, creusé à la main dans un sol argileux, les terrassiers mettaient à jour, des cuves en bois, bien conservées et des monnaies gallo-romaines, (***) offrandes prouvant incontestablement l’ancienneté de la source. Ces “médailles”, pour reprendre l’ancienne “formule”, ont-elles été conservées ? Nous avons indiqué par ailleurs que toutes les sources riches en gaz carbonique ont été exploitées par les Gallo-Romains. Pour les minéraliers, le fait que leurs sources soient de la haute antiquité étaient une providence de notoriété inespérée. La dénomination “Source Gallo- Romaine” ou quelquefois de “César” se trouvait toujours mise à l’évidence sur les étiquettes. Il était aussi “attractionnel” de dénommer une source en souvenir du passage d’un personnage important, comme l’impératrice Eugénie à Royat. Lors de la demande d’autorisation, le nom des sources se désignait suivant le libre choix des exploitants, à eux d’en tirer parti. Les sources originellement sans vocable étaient exceptionnelles ; souvent les villageois surnommaient le plus ordinairement leur petite source pleine de bulles de gaz “La gargouilloux”, un phénomène naturel qui restera néanmoins longtemps inexpliqué du commun des mortels. Nous avons une source du nom : “La Gargouilloux” à Lempdes, est-elle une dépendance de l’ancienne Maladrerie du lieu-dit Beauregard que l’on situe en-dessous de Chambezon ?
La source de Saint-Géron s’honorait de la reproduction sur les étiquettes d’une pièce de monnaie, avec sur le côté face : FAUSTINA AUGUSTA, impératrice romaine épouse d’Antonin-le-Pieux, sur la face revers, on y reconnaît : CERES, déesse de l’abondance, tenant de la main droite des épis de blé et de la main gauche une longue torche. Cette Monnaie est aussi ornée de la mention S. C. c’est-à-dire : “Sénatus Consulté”, traduisons : “avec l’accord du Sénat” (voir illustration). Des pièces d’Antonin le Pieux ont été retrouvées aux sources de Saint-Laurent-les-Bains.
Rappelons qu’Antoninus Pius naquit en 86 et fut empereur romain de 138 à 161 après J.C. Personnellement, sur un site gallo-romain de ma découverte à Paulhac en 1990, commune voisine de Saint-Géron, j’ai prélevé une monnaie, à l’effigie de ce souverain, d’une existence élogieuse, de loyauté et de tranquillité d’esprit, symbolisant au mieux la “pax” romaine.
La reproduction d’une pièce gallo-romaine figurait, en outre, sur un bouchon de bronze, article publicitaire d’une facture artistique honorant la source de Saint-Géron. A partir d’un fac-similé (voir illustration) nous reconnaissons, Tibère, empereur romain de 14 à 37 après J.C. Ce dernier aurait renoncé à étendre les frontières de l’Empire, et particulièrement avare, il laissera, à sa mort, une grande fortune.
L’offrande à l’effigie de Tibère indiquerait la possession de la source de Saint-Géron dès la conquête alors que l’on voudrait en général considérer l’occupation des sources des “Arvernes” par les Romains, à la fin du premier siècle de notre ère. Sous Auguste, Rome possédait cent trente-trois établissements thermaux. Trois siècles plus tard, ils étaient mille. Rien que “Roma”, fondée il y a 2 700 ans, comptait environ 170 thermes, trois établissements pour Pompéi. Les bains étaient alors des endroits forts bruyants : l’écrivain Sénéque, qui habitait au-dessus de l’un de ces établissements, se plaignait des gens qui chantaient à tue-tête et qui hurlaient en s’ébrouant dans les bassins.
Les formes les plus anciennes des bains publics connus sont des vestiges en Grèce. Ils ne jouaient cependant pas un rôle social aussi important que chez les Romains. Sous l’Empire, les thermes se multipliaient et devenaient un lieu de rencontre social et intellectuel.
La construction des thermes donna un grand essor à l’architecture, généralement sur colonnes et voûtes, pour fournir des demeures de plus en plus somptueuses. Nous retrouvons de monumentaux vestiges dont les “modernes” du XIXe siècle se sont largement inspirés dans l’aménagement de la plupart de nos établissements hydrominéraux. La magnificence du monde romain survit donc et les arts architecturaux en bénéficient.
C’est au contact de la fracture de la roche Gneissique que sera adossé le local de sous-tirage de la source de Saint-Géron, d’une architecture de “référence romaine” à savoir un bâtiment sobre, d’aspect robuste, construit de pierres granitiques locales d’un ajustement dit en petit appareil, avec joints cimentés. Son entrée s’effectuait par une porte surmontée d’un arc plein cintre, dont la clef de voûte et les claveaux sont faits avec l’inébranlable pierre volcanique, tirée des célèbres carrières de Volvic (voir illustrations).
Une construction à la manière de “l’antique” est réalisée en 1884, suffisamment spacieuse pour satisfaire la ventilation des émanations du gaz carbonique. Un évent est notamment placé au-dessus de la bâtisse pour en assurer une aération naturelle. Nous l’avons dit, le captage de l’eau minérale s’effectuait depuis le griffon, dans un réservoir en ciment. Au cours des premières années d’exploitation, on remplissait les bouteilles à la main, une à une, au moyen d’un gros robinet de cuivre. Vers 1935, la source se modernise avec une mécanisation de la mise en bouteilles et l’équipement d’un appareil à floculation afin de supprimer dans l’eau les particules rougeâtres qui formaient un dépôt. A ce sujet, les étiquettes à l’encre rouge informaient les consommateurs que : “Les particules couleur rouille contenues dans les bouteilles d’Eau de Saint-Géron, ne sont autre que des fragments ferrugineux qui en attestent la valeur. Il était recommandé aussi de : “Tenir les bouteilles couchées, au frais et à l’abri de la lumière”. Voilà de quoi tranquilliser les consommateurs ! Il est vrai aussi qu’avec les particules ferrugineuses, les eaux minérales prennent, parfois, une odeur de soufre après un certain temps en bouteilles. Toutefois, cette catégorie d’eau “ferraillée” serait reconnue pour traiter avec succès les maladies du sang.
La source de Clémensat n’eut pas à connaître cette “modernisation” permettant une meilleure limpidité de l’eau et d’éviter sa dégénérescence au contact de l’air. Les bouteilles furent simplement remplies à l’aide d’un entonnoir et d’un vase quelconque. Pour pallier cet inconvénient, le pharmacien Bonnefond préconisait un système de remplissage des bouteilles à l’aide d’un bouchon percé de deux trous, sur lequel l’on adaptait des tubes en caoutchouc devant plonger jusqu’au fond du récipient. Aujourd’hui, dans les embouteillages modernes, on stérilise, on évite au remplissage la déperdition de gaz à la mise immédiate en bouteille, soit le contact air/eau.
La source de Clémensat ne connaîtra pas non plus de machine pour boucher les bouteilles, les bouchons sont encore en liège et à leur retour elles étaient lavées dans un grand baquet, avec un goupillon et un peu de soude. La source de Saint-Géron sera dotée d’un appareil à capsuler et d’une laverie mécanique, avec production d’eau chaude par un brûleur à mazout.
Concernant la production annuelle de la source de Saint-Géron, pour la période du 1er novembre 1934 au 31 octobre 1935, furent vendus 55 010 “cols” soit 49 509 litres en raison de leur contenance largement inférieure à cent centilitres, 30 cl pour certaines bouteilles. Depuis la salle de soutirage, les bouteilles rejoignaient, disposées dans des caisses en bois chargées sur des wagonnets roulant sur des voies de mines étroites du type “Decauville”, un petit atelier d’étiquetage, sur le site même de la source. Selon la législation française, le conditionnement des eaux minérales doit s’accomplir le plus près possible du point d’émergence.
Dans sa première période d’activité, la source de Saint-Géron emploiera une quinzaine d’ouvriers et trois charretiers, remplacés par des camionneurs dès l’avènement de l’automobile, au milieu des années 1920. En 1965, avec la fabrication et la commercialisation de limonade et de soda, ce sont près de 30 ouvriers qui travaillent à la société, la production de l’eau de Saint-Géron étant alors annuellement de l’ordre de 200 000 bouteilles. La fin de la décennie (1975) connaît l’arrêt de l’exploitation de la source minérale, qui produisait plus que 120 000 bouteilles par an. L’année 1975 est celle du rachat de la source de Saint-Géron. La nouvelle société préféra développer le négoce de spiritueux, vins, bière, sodas et limonade, dans un circuit commercial majeur de débit de boissons, cafés et restaurants, laissant ainsi de côté la source à elle-même...
Les repreneurs jugeant sans doute le débit de la source trop faible pour lutter raisonnablement contre les grosses sociétés bien reconnues sur le marché, le site de ce point d’eau est alors cédé en 1980 à un particulier, Monsieur Daniel Beurrier (***) de Balsac, commune de Saint-Géron.
La renommée de la source de Saint-Géron, pour sa pureté et les qualités de sa minéralisation dans le traitement de certaines maladies, ne s’est jamais départie. En 1986, soit dix ans après l’arrêt de la production, une association se constitue autour de la famille Beurrier, avec pour président André Bouchet, maire de Saint-Géron, afin de recommercialiser la source qui coule toujours.
Courant avril 1986, une importante réunion avait lieu à la mairie de Saint-Géron, avec des nombreuses personnalités telles que le sous-préfet de Brioude, les représentants de la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales, de la Chambre de Commerce et d’Industrie, l’Agence Nationale de Développement, les Services des Mines, du G.R.C.A.M et de la Jeunesse et des Sports. Chacun des participants se déclarait intéressé par ce projet de revalorisation des eaux de Saint-Géron. Espérons que ce ne soit pas seulement un banal “gargarisme” d’espérance, mais plutôt une bonne “gorgée” de conviction, pour cette petite commune de 179 habitants au recensement de 1999 alors qu’elle en comptait 330 en 1884!!
Pour réunir toutes les conditions du redémarrage de la source, il était aussi nécessaire de reconsidérer les possibilités de débit. Pour ce faire, en juin 1994, il fut mis en place un programme de forage, sous la conduite de Philippe Derosier, hydrogéologue, afin d’évaluer précisément les capacités potentielles et journalières de la source. La principale étape d’appréciation fut de sonder le point d’émergence, à partir d’une foreuse autoportée. Après un coup de sonde heureux à 120 mètres de profondeur sous la couche argileuse, il se produisit un véritable geyser de 6 à 8 mètres de hauteur, dont le volume naturel était important : 8 mètres cubes/heure. De plus, l’eau se montrait impeccablement gazeuse et parfaitement équilibrée en sels minéraux.
Après la phase de dégazage brutal et normal de la zone aquifère, la quantité d’eau devait naturellement quelque peu diminuer. Pour répondre à des exigences administratives, dans le maintien de la richesse hydrominérale de la source, sa production commerciale devrait être établie à un régime pratique de l’ordre de 3 600 litres par heure, ce qui autorise quand même 30 millions de litres par an, soit un volume suffisant pour son exploitation dans des conditions avantageuses. Le seuil économique d’une source se trouve actuellement de 10 à 20 millions, le débit de la source Eugènie de Royat est de 2 000 000 de litres par jour, ce qui est relativement important.
Pour en revenir rapidement sur la nécessité de pratiquer des sondages pour augmenter le débit d’une émergence, nous avons mis en évidence l’obstruction des sources par leur minéralisation en carbonate de calcium. Nous rapporterons aussi une des difficultés géologiques primordiales sur le cheminement naturel des eaux minérales, à savoir que leur tracé jusqu’à la surface est très fréquemment compliqué, marqué d’accidents tectoniques (failles) plus ou moins colmatés par des matériaux hétérogènes, résultant du broyage des lèvres des masses rocheuses au point de leurs cassures. L’eau minérale trouvera alors difficilement un passage pour cheminer vers la surface, ou même pourra être arrêtée dans son ascension.
A partir de ses singularités propres aux profondeurs terrestres, il a été mis en évidence que, parfois, des sources froides se trouvent à quelques mètres de sources thermales. Ces arrangements originaux étonnèrent fortement Jean Blanc, en 1605, lorsqu’il visita les sources de Sainte-Marguerite. Les émergences “pétillantes” de Sainte-Marguerite, commune de Saint-Maurice-ès-Allier (63), sont toujours appréciées et conditionnées en bouteilles, rappelons que l’autorisation ministérielle remonte au 24 mai 1894.
Une nouvelle commercialisation de l’eau de Saint-Géron est loin d’être utopique. Par la ténacité et le dynamisme de son actuel propriétaire et pour lui donner une nouvelle impulsion, Monsieur Daniel Beurrier a pris contact avec des industriels, car les débouchés économiques importants sont bien réels. Si des perspectives de marché sont parfaitement permises avec l’hexagone, il en est de même avec des pays européens comme la Belgique ou l’Allemagne très demandeurs en eaux gazeuses, surtout que la consommation d’eau en bouteille est aujourd’hui, nous l’avons souligné, un authentique phénomène de société. Autre avantage pour la source de Saint-Géron : sa situation géographique, entre l’autoroute A 75 et la ligne de chemin de fer : Paris/Nîmes, Paris/Béziers.
En 1985, les eaux de La Soucheyre faisaient aussi l’objet d’études de la réexploitation du site, fréquenté nous l’avons dit, par un millier de personnes un siècle plus tôt dans les années 1880. La source Renlaigue sur le territoire de Saint-Diéry, aux portes d’Issoire, a réussi son redémarrage en 1992, après un abandon d’une cinquantaine d’années, avec une production au départ de 5 millions de bouteilles. Ce chiffre se rapproche de la quantité de bouteilles produite en une seule journée par la source de la société de Volvic. Lors de la forte période de chaleur durant l’été 1994, cette source de la grande Limagne clermontoise était en mesure de produire quotidiennement jusqu’à 3 millions de bouteilles, ce qui représentait 60 camions et 80 wagons par jour, une eau auvergnate exportée jusqu’au Japon. Une valeur économique incontestée du domaine minéral français, le chiffre d’affaire du thermalisme étant estimé en 1998 à 7 milliards de francs, celui des eaux minérales embouteillées s’élève à 13 milliards, celui des eaux de sources à 2,5 milliards.
La France compte actuellement 49 usines d’embouteillage, la production française se chiffre en milliards de litres, celle des eaux minérales en 1998 fut de 5,494 millions de litres, 2,375 millions de litres pour l’eau de source. Environ 25 % de la production en eau minérale sont exportés, 8 % d’eau de source. Selon les organismes professionnels, on a consommé en France à la même période, 84 litres d’eau minérale par an et par habitant, et 37 litres d’eau de source. Ces deux dernières années, la consommation annuelle a augmenté de 9 litres par habitants, de plus elle tend à accroître d’année en année. Même si les sociétés françaises ont acquis un gros savoir-faire industriel, une internationalisation du marché par le développement des eaux sous le vocable “eaux de sources” est à redouter. Les Américains, par exemple, commercialisent des eaux d’origines diverses traitées non seulement pour en extraire tous les éléments dits “indésirables” mais aussi pour y ajouter des éléments en faible quantité enfin d’en améliorer le goût ou les vertus. Actuellement le marché de l’eau est vraiment porteur, sur la planète on consomme 50 Milliards de bouteilles d’eau, c’est un véritable phénomène de société ; après la “guerre des sources ”, cela nous conduira-t-il à la “guerre de l’eau”, l’eau dite : “Or Blanc” n’est pas un vain mot. Pour les minéraliers, le marché reste difficile, la grande distribution, entre-autre, fait la règle du jeu...
C’est par ces données de statistiques que nous terminerons ainsi ces “gouttes d’histoire” de deux émergences minérales, au milieu d’innombrables sources “Merveilleuses”, peut-on mieux dire... Ainsi qualifiait nos sources Auvergnates, qui bouillonnent de santé, le médecin de “la Reine Margot”, autrement dit : Marguerite de Valois. Ces “eaux de vie”... sont l’une des gloires de ce territoire, qui trouve sa genèse dans les Volcans. Discrètes pour l’instant, parce qu’en sommeil, espérons que ces “bouches de feux” nous laissent dormir en toute quiétude, avec les eaux de vitalité et de guérison.
Formulons aussi des vœux d’espoir dans une renaissance aux méthodes de soins naturels, que les sources de Clémensat et de Saint-Géron, ne soient plus une histoire ancienne... mais qu’elles s’inscrivent préférablement dès demain, dans une nouvelle page du troisième Millénaire. Que la Crénothérapie ne soit pas non plus une disconvenance du futur médical et de l’assistance sociale, enfin que la nature poursuive son œuvre à faire de l’eau médicinale.
Guy PEGERE
Membre de la Société Géologique de France
Brioude le 25 Mars 2000
Notes et Remerciements :
*Me Auguste CASATI et Me Jean CASATI, ont été successivement pendant de nombreuses années, les présidents dévoués de l’honorable société de : l’Almanach de Brioude, Bulletin d’Etudes Archéologiques, Historiques et Littéraires, devenue au fil des ans, une éminente institution culturelle... réunissant une somme considérable d’informations, une gageure pour les historiens.
**Me Michel CASATI fut associé à une société civile contractée à Lyon, le 14 septembre 1829, pour la concession des Mines de Cuivre sur les communes d’Azérat et d’Agnat près Brioude.
***Mes remerciements et mon amitié à Monsieur Alphonse VINATIE archéologue correspondant des Antiquités Historiques, pour son amitié de toujours et pour la détermination des monnaies gallo-romaines de la Source de Saint-Géron.
****Mes plus vifs remerciements à Monsieur Daniel BEURRIER, pour son sympathique accueil téléphonique, son obligeance et ses précieux renseignements.
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